Page:Revue Musicale de Lyon 1904-02-10.pdf/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
199
revue musicale de lyon

un entracte d’une heure trois quarts pour permettre aux spectateurs de dîner avant le second acte. L’entr’acte entre le deuxième et le troisième acte a été seulement d’un quart d’heure. Le spectacle a pris fin à onze heures vingt.

Les interprètes étaient tous des vétérans des festivals dramatiques de Bayreuth ; Mme Ternina, qui personnifiait Kundry ; M. Burgstaller, Parsifal ; M. Van Rooy, Amfortas ; M. Blass, Gurnemanz. Anton Fuchs, le régisseur ; M. Lautenschläger le chef machiniste de la scène de Munich ; M. Alfred Hertz, le chef d’orchestre.

Ce n’est un secret pour personne que la première moitié de la saison d’opéra a été sacrifiée à la préparation de l’ouvrage de Wagner. S’il en avait été autrement, les représentations eussent sans doute été inférieures ; elles n’auraient pas mis dans l’étonnement de vieux visiteurs de Bayreuth. La mise en scène, en particulier celle des trois parties du second acte, est infiniment plus belle qu’à Bayreuth, comme aussi du reste les costumes et les groupements des Filles-Fleurs. Les transformations du premier et du troisième acte ont également été réalisées à la perfection. Les décors étaient conformes à ceux de Bayreuth.

M. Hertz a conduit l’orchestre d’une façon tout à fait indépendante du rite de Bayreuth. Il a pris tous les mouvements sensiblement plus vite. Ceci peut avoir été une concession nécessitée par la différence d’acoustique. Je ne veux point dire par là que l’accélération du mouvement ait nuit à l’effet du drame, qui est assez mouvementé par lui-même. Les chœurs des chevaliers du Graal ont paru courts. Ce qu’on n’a pas retrouvé ici, c’est l’effet mystique de l’orchestre du Festspielhaus, avec ses merveilleuses propriétés acoustiques ; mais dans l’ensemble, l’interprétation a été bonne, digne et belle. Parsifal peut être compté comme la plus parfaite manifestation d’art que nous ayons eue depuis longtemps en Amérique. »

Voici un aperçu du prix des places pour les représentation de Parsifal :

Grandes loges de 6 places. 
 fr. 325
Baignoires de 5 places. 
 200
Baignoires de 4 places. 
 175 et 150
Fauteuils d’orchestre. 
 50
Amphithéâtre 
 25
Balcons, 1er, 2e et 3e rangs. 
 12
Balcons, autres rangs. 
 10
Les autres places. 
 7 et 5

Les abonnés à la saison bénéficiaient d’une réduction de 15, 10 et 5 francs sur les prix ci-dessus notés aux fauteuils d’orchestre et aux balcons.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE


Cavalleria Rusticana

Cavalleria Rusticana est une œuvre intéressante, en ce sens qu’elle est le symbole d’un degré évolutif particulier de l’art italien, et comme l’archétype d’un stade de la transformation qu’a subie depuis trente ans l’esthétique musicale dans la péninsule.

Il est probable que les maestri se sont lassés un jour de s’entendre railler sur l’excès de convenu et d’irréel par où pêchaient leurs drames lyriques. On sait que l’œuvre de Rossini, celle de Donizetti et celle de Verdi ont pu être écrites à peu près intégralement avec un vocabulaire qui n’excède pas huit cent mots. Âme, fleur, étoile telle est la triade poético mystique sur quoi roulait tout leur poème et que paraphrasait adéquatement le ronron ternaire et berceur de leurs valses perpétuelles.

Citer Il Trovatore, Lucia di Lamermoor I Foscari, c’est rappeler qu’on s’est contenté longtemps de musiques simples, plaquées sur des sujets qui n’avaient même pas la prétention d’être compréhensibles.

Sous la double influence allemande et française, le vieux livret italien se démoda, et, de même que les compositeurs essayaient de se rattacher aux écoles modernes, les uns pillant Wagner, les autres démarquant Massenet cher à Léoncavallo, de même les librettistes évoluèrent, et, suivant à un quart de siècle de distance le mouvement français, ils introduisirent le réalisme dans le drame lyrique ; et, comme ils ne font rien à demi, nous voyons succéder aux fades romances d’antan, des œuvres où le débraillé, la lourdeur, la vulgarité, le prosaïsme, s’étalent avec outrance ; on a voulu faire du vrai, on a fait seulement du trivial et du commun ; en forçant la note, on a poussé le réalisme jusqu’au naturalisme à