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la traduction de sentiments au moyen de sons, mais surtout la notation exacte du langage et des multiples inflexions de la parole humaine. De là ces phrases évocatrices, brisées, désarticulées, assouplies en des rythmes inusités sans cesse différents, empruntant les mesures à 5, à 7 et à 11 temps, alternant elles-mêmes avec les mesures habituelles et changeant jusqu’à 28 fois en 3 pages. De là, aussi, ces harmonies âpres et charmantes, inexpertes et géniales, d’une si précieuse originalité et d’une suavité exempte de toute mièvrerie.

Hélas ! c’est sans doute cette complication technique qui explique la rareté des exécutions de la Chambre d’Enfants. Depuis la première audition qui en fut donnée en 1896 par Mme Maria Olénine, aucune cantatrice n’avait osé inscrire à un programme ces pages délicates et redoutables.

Deux de nos compatriotes Mlle Pauline Vergnory et M. Émile Vuillermoz viennent d’accepter cette tâche difficile et en furent récompensés par un succès que nous sommes heureux d’enregistrer. Ces deux artistes donnèrent aux matinées Victor Hugo (dont M. Émile Vuillermoz est directeur musical) une exécution admirable de ces originales compositions qui exigent chez leurs interprètes une profonde science musicale et la plus grand conscience artistique. Mlle Pauline Vergnory qui n’a abordé l’étude du chant qu’après une complète formation de musicienne, et de brillantes études de piano et d’harmonie, réunit ainsi des qualités trop souvent séparées, qui en feront une interprète incomparable des œuvres modernes, inaccessibles à tant de brillantes cantatrices. Nous croyons savoir, d’ailleurs, que Mlle Vergnory et M. Vuillermoz doivent donner cet été en différentes villes, une série d’auditions d’œuvres inédites ou peu connues. Formons le vœu que Lyon ne soit pas oublié.

ZZZ.

« Parsifal » à New-York

Nous empruntons à une correspondance adressée au Musical-Times de Londres, par M. Krehbiel, l’éminent musicographe américain, les appréciations suivantes sur les représentations de Parsifal données depuis le 25 décembre au Métropolitain-Opéra de New-York.

« Je vous écris après la troisième représentation de Parsifal, qui va être suivie de sept autres avant la clôture de la saison ordinaire. Je parle donc en connaissance de cause. Eh bien, je puis attester en toute sincérité qu’à New-York autant qu’à Bayreuth, les auditeurs se sont conduits avec tout le décorum de circonstance et qu’ils ont manifesté une compréhension aussi sensible du drame religieux de Wagner que ceux qui ont fait le pèlerinage à la Mecque wagnérienne.

Au point du vue matériel, il ne peut y avoir aucune comparaison entre Bayreuth et New-York.

L’Opera House a reçu à chaque représentation presque trois fois autant de monde que peut en contenir le Festspielhaus de Bayreuth. Il n’y a aucune raison de craindre qu’il y ait un déclin de l’intérêt avant la fin de la saison. Si les espérances de M. Conried se réalisent, il pourra, au printemps prochain, informer le monde que Parsifal aura été révélé à quarante mille Américains, pour lesquels, jusqu’ici, l’œuvre avait été lettre morte, et que 180,000 dollars (900,000 fr.), auront été déboursés par la société mondaine. Il m’est impossible de dire combien il a été dépensé de cette énorme somme pour les représentations. Pour monter Parsifal, comme on dit en style de théâtre, on a dépensé 100.000 dollars (500,000 francs) ; mais dans cette dépense semblent être compris les frais de reconstruction de la scène de l’Opera House. Cette reconstruction était nécessaire pour pouvoir donner convenablement le drame de Wagner ; mais comme elle devait se faire même si Parsifal n’avait pas été joué, il n’y a pas lieu d’en tenir compte pour l’ouvrage de Wagner.

La première de Parsifal a eu lieu le 24 décembre. Le premier acte a commencé à cinq heures pour se terminer à sept. Il y a eu