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être élidée. On trouve même des exemples de ce que M. Riemann appelle début ex abrupto, c’est-à-dire se produisant sur la sixième (et même septième) mesure d’une phrase.

2o Des mesures intercalaires peuvent intervenir au cours d’une phrase, ou plutôt une mesure, un groupe, une période entière peuvent se répéter (c’est ce qui se produit généralement à la suite des cadences rompues).

3o Une mesure, un groupe, une période peuvent se trouver élidés, dans le cours d’une phrase, par synérèse. Un exemple très clair d’une telle synérèse nous est fourni par le cas où la note terminale d’une phrase est énoncée en même temps que la première note de la phrase suivante, ce qui revient à dire que la dernière (huitième) mesure d’une phrase est en même temps la première de la phrase suivante.

À moins de vouloir écrire non pas un article, mais un volume, je dois me borner à énoncer les principes généraux donnés par M. Riemann, en en laissant de côté la démonstration. Cette démonstration, d’ailleurs, est assez simple et très logique : nous savons que certaines harmonies, certaines suspensions ne peuvent pas occuper indifféremment n’importe quelle place dans la phrase. À plus forte raison les cadences sont dans le même cas. Or, chaque fois que nous trouvons une anomalie apparente dans la place occupée par de telles formations typiques, l’analyse nous démontre, selon le cas qu’il y a élision, synérèse ou répétition.

D’ailleurs, M. Riemann a donné de l’excellence de sa théorie la meilleure des preuves, en montrant dans les analyses qu’il a publiées des œuvres de clavier de Bach, que cette théorie s’appliquait de façon absolument complète auxdites œuvres. Et c’est précisément à cause du haut intérêt que présente le système de M. Riemann, et de l’utile procédé d’analyse qu’il nous fournit, que j’ai cherché ici à en expliquer les principes élémentaires. Une aussi courte étude ne peut montrer que très imparfaitement toute l’ingéniosité de ce système. Peut-être au moins contribuera-t-elle à appeler l’attention des lecteurs de cette revue sur les solides et utiles travaux de M. Riemann.

M.-D. Calvocoressi.

Chronique Lyonnaise

GRAND-THÉÂTRE


Le Crépuscule des Dieux.

Les représentations du Crépuscule ont continué de faire salle comble depuis quinze jours. Il n’est pas sans intérêt d’en chercher les raisons.

Car il ne faut pas supposer que le public vienne là, en foule comme il viendrait à la Walkyrie ou à Louise, simplement pour entendre une musique agréable, suffisamment claire pour être intéressante et assez habile pour n’être pas banale. Ce sont là des œuvres qui s’imposent à tous ceux qui ont l’oreille vaguement musicale, ou qui ont du goût artistique même à l’état de traces.

Il n’en va pas de même pour la Goetterdæmmerung. L’audition de la dernière journée tétraplégique est, la première ou les premières fois, une fatigue atroce, un surmenage cérébral épuisant, si l’on essaye d’en comprendre la structure ; Wagner s’y est fait une loi d’éviter le développement mélodique, à un point tel, que les arcanes du Crépuscule resteront éternellement closes aux profanes. Cet enchevêtrement, jamais inextricable, mais constamment ardu, de thèmes généralement à peine esquissés, exige une attention profonde, soutenue, un effort incessant de compréhension. On ne saurait mieux comparer cet effort qu’à la tension d’esprit d’un homme entendant un long discours dans une langue qui ne lui serait pas absolument familière. Un fragment de phrase a passé aux cors ; ce sont les premières notes de l’Appel du fils des bois ; et tandis que l’on cherche à étiqueter