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tournure d’une femme accomplie.

C’était une beauté rare, un port de reine, un visage d’une admirable pureté, animé par l’éclat de deux grands yeux d’un bleu foncé et encadrés par les boucles ondoyantes d’une luxuriante chevelure brune. »

Beethoven correspondait avec Giulletta Guicciardi ; Victor Wilder reproduit trois très curieuses lettres du Maître. Elles débordent d’un amour pur, ardent et profond. Il appelle Giuletta, mon ange, mon tout, mon moi : « Ton amour m’a fait à la fois le plus heureux et le plus infortuné des hommes. »

Une autre fois, il émet cette même pensée sous une autre forme : « Je suis tantôt plein d’espérance, tantôt sombre et triste. »

La quatrième et la cinquième sont contemporaines de ces lettres. Ne semblent-elles pas la paraphrase de cette dernière définition de Beethoven par lui-même, bien que l’espoir et la confiance prédominent sur les idées sombres et tristes ?

Dans une autre de ces lettres, Beethoven écrit : « Vraiment il est des heures où je sens que la parole ne peut rien exprimer de ce que mon âme ressent ! ».

Il paraît donc légitime de conclure que dans les œuvres contemporaines de ces lettres, notamment les deux sonates étudiées et la célèbre sonate en ut dièze mineur pour piano (œuvre 27), dédiée à Giuletta Guicciardi, Beethoven s’est proposé d’exprimer ceux de ses sentiments qu’il jugeait les mots impuissants à rendre. Le Maître immortel a su traduire dans le divin langage de son génie, les nuances les plus subtiles, les aspirations les plus sublimes de son pur amour, aussi bien que les plus intimes et les plus déchirants tourments de son âme. Il a merveilleusement réussi.

Hélas ! l’amour et l’espoir de notre malheureux grand homme devaient être cruellement déçus. Celle en qui Beethoven croyait, qu’il considérait comme sa fiancée, épousa, le 3 novembre 1803, le comte Winceslas-Robert Gallemberg, compositeur de… ballets !

(À suivre)

Paul Franchet.

Le Système de Métrique et de Rythmique Musicales

de M. RIEMANN

Il est permis de dire, en employant un cliché connu, que le Système de métrique et de Rythmique musicales[1] de M. Riemann, paru il y a quelque temps déjà, répondait à un réel besoin. Aucune question n’est plus vitale, pour la musique, que celle du rythme, et il n’en est pas qui ait été jusqu’ici plus totalement négligée. M. Riemann est, je crois, à peu près le seul à l’avoir approfondie, à avoir tenté de ramener à des règles précises, à des principes universellement valables, les données que l’artiste applique instinctivement. Jusqu’ici, il fallait chercher l’ingénieuse théorie rythmique du pédagogue allemand dans divers de ses ouvrages, où elle restait éparse. La voici maintenant méthodiquement exposée en un volume assez dense, mais où des exemples notés empruntés aux grandes œuvres classiques occupent une place considérable et jettent sur les explications techniques, parfois compliquées, une singulière lumière. L’ouvrage est divisé en deux parties très distinctes. Dans la première (Rythmique) qui est surtout analytique et où est posé le principe esthétique du rythme, M. Riemann cherche à dégager, d’abord l’élément unitaire de ce rythme, la « cellule », pour arriver ensuite par une synthèse, à l’édifice rythmique, à la phrase musicale, étudiée dans la deuxième partie (Métrique). Dans cette deuxième partie nous

  1. Leipzig, Breitkopf et Haertel, 1903, in-8vo