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La seconde blanche se trouve toujours élevée d’une tierce mineure au-dessus de la première blanche. La ronde représente la quinte diminuée inférieure de la seconde blanche. La ronde vient chaque fois réaliser avec la main droite et le violon un accord de septième diminuée. La phrase s’achève par le retour de la tonalité primitive qu’agrémente un gruppetto de violon. Rien n’est plus simple que de se rendre compte par la lecture de ces réponses entrecoupées et de ces marches harmoniques. Il est plus malaisé de les expliquer clairement.

Cette longue phrase de seize mesures, avec ses éclatantes sonorités instantanément apaisées, ce colloque heurté des deux instruments est tourmentée, traversée par de l’angoisse. Elle fait un saisissant contraste avec la première phrase enthousiaste et épanouie. Ces alternances de sentiments opposés forment le fond de la nature de Beethoven.

L’adagio est en si bémol et à 3/4. La phrase principale mollement bercée par un accompagnement en doubles croches liées est d’une tendresse infinie. Le chant en si bémol mineur puis en sol bémol du violon commence par implorer et s’élève à des accents pathétiques. La péroraison de cet adagio est un duettino d’amore d’une incomparable douceur.

Le scherzo est le premier morceau de ce genre introduit par Beethoven dans ses sonates de piano et violon. Dans les deux premières reprises le violon répète comme un écho les notes vivement détachées du piano. Le trio est d’une verve étourdissante. La vitesse des traits en croches est vertigineuse. Tout ce scherzo est éblouissant, étincelant.

Dans la première phrase douce et caressante du rondo allegro ma non troppo, ainsi que dans la deuxième phrase d’une allure décidée, brille la lueur de l’espérance. Un seul thème mineur syncopé, accompagné par des triolets semble jeter une légère ombre de doute et de tristesse. L’espoir et la confiance renaissent avec la reprise de la mélodie charmeresse du début et règnent dorénavant sans conteste.

Ces deux sonates, la quatrième (œuvre 23) et la cinquième (œuvre 24), offrent entre elles d’incontestables analogies. Il ne faut assurément pas rechercher ces similitudes dans la forme de leurs diverses parties. Ces deux sonates se ressemblent uniquement par les sentiments qu’elles traduisent. Dans toutes deux, l’inquiétude, l’agitation trouvent place, mais sont bannies sans retard. Dans la première, les accents gracieux et doucement émus, dans la seconde, les élans de tendresse, de passion et de confiance, deviennent hautement prépondérants.

Un épisode important de la vie du maître permet de préciser la nature des sentiments qui ont dicté ces deux sonates. Beethoven les écrivit en 1801. Il était alors profondément amoureux. Il écrivait le 16 novembre 1801 à son ami le Dr Wegeler : « Ma vie est actuellement un peu plus agréable et je me risque à me mêler de temps en temps à la société. Cet heureux changement est l’œuvre d’une jeune et belle enchanteresse. Je l’aime et j’en suis aimé. »

L’ange consolateur qui avait réussi à chasser pour un temps la misanthropie du cœur de notre grand homme était la comtesse Giuletta Guicciardi. Elle était la fille du comte François-Joseph Guicciardi qui occupait à Vienne le poste d’attaché de la chancellerie du royaume de Bohème.

Dans sa consciencieuse et intéressante biographie de Beethoven, Victor Wilder trace de Guiletta Guicciardi le séduisant portrait que voici : « Elle n’avait pas tout à fait dix-sept ans lorsque Beethoven s’en éprit, mais malgré son extrême jeunesse, elle avait déjà, comme la plupart des Italiennes, les formes et la