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le violon paraissent de doux reproches. Trois mesures d’un adagio triste et langoureux sont soupirées par le piano, puis par le violon. Mais le thème initial, auquel pourrait convenir le qualificatif d’enveloppant accolé à tort et à travers à tant de mélodies ne présentant entre elles aucune analogie, se fait entendre aussitôt. Le piano et le violon se livrent ensuite à un dialogue se terminant pianissimo et dont chaque répartie consiste en deux noires délicatement frappées. C’est un fin et charmant marivaudage. Deux phrases (d’abord en fa puis en si bémol) presque exclusivement constituées par des rondes liées sont d’une construction harmonique nettement verticale. Elles sont touchantes et gracieuses en leur simplicité. Un dessin alternativement ascendant et descendant en triolets de noire s’enroule ensuite comme une guirlande autour de ces deux phrases expressives. Dans ce final tout de délicatesse un seul passage en croches détachées doit être joué fortissimo.

Après la sonate à Kreutzer la plus fréquemment jouée dans les concerts est sans contredit la cinquième sonate œuvre 24. C’est aussi celle à laquelle la plupart des professeurs d’accompagnement donnent la préférence pour initier leurs élèves à l’étude de Beethoven. Cette sonate dite, paraît-il, « des dames », répond bien à ce but. Elle est d’une compréhension aisée ; elle conquiert et séduit d’emblée.

Ses dimensions sont plus considérables que celles de toutes les précédentes. Elle comprend en effet quatre parties au lieu de trois.

La première phrase de dix mesures de l’allegro en fa, est sobrement accompagnée par une discrète batterie de croches liées et une tenue de basse à chaque mesure. Elle est délicieusement chantante. Un auditeur non prévenu pourrait penser à du Mozart. La transition ou mieux le pont qui relie cette première phrase à la suivante suffira à le détromper. À l’énergie des traits du piano, à la diversité et à la richesse des nuances, il ne pourra méconnaître Beethoven.

La seconde phrase est encore plus typique. Elle compte 16 mesures. Elle offre d’abord à considérer deux périodes de quatre mesures chacune. Ces deux périodes sont semblables. Leur seule différence consiste en ce que la première n’abandonne jamais la tonalité majeure tandis que la seconde d’abord majeure, devient mineure lors de la répétition de la phrase. Le violon lance à trois reprises comme un cri la note dominante fortement attaquée, puis soudain passe à des accents doux et apaisés. Pendant ces vibrants appels du violon, le piano plaque en croches une série d’accords parfait majeurs de la tonique, disposés en progression ascendante. La sonorité de cette succession d’accord, passant par tous leurs renversements, est contenue au début. Elle s’enfle progressivement à mesure que cette succession d’accords s’élève. Un éclatant accord de septième de dominante est l’aboutissant final de ce crescendo subitement suivi de batteries du même accord, doucement frappées, presque éteintes. Ce contraste d’un piano succédant brusquement au forte terminal d’un crescendo, c’est la signature de Beethoven.

Ces deux périodes ne constituent que la moitié de la seconde phrase. Huit autres mesures la complètent. Le violon et la main droite dialoguent en s’interrompant. Le violon prend vivement le premier la parole. Le piano avant que son partenaire ait achevé, lui renvoie la réplique. Durant cet échange d’impétueuse réparties, marquées d’un fort accent sur leur terminaison, la basse exécute une marche descendante digne d’attention.

Les échelons de cette descente sont constitués par trois figures semblables formées de deux blanches et d’une ronde.