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mais lors de la première exécution, trop hâtive, les violonistes, selon une tradition chère aux orchestres et qui tend heureusement à disparaître, ayant déclaré que cette tonalité inusité rendait leur partie inexécutable, Franck se crut obligé sur nos conseils — nous nous en sommes repentis depuis — de transposer le fulgurant air de l’archange et le chœur final en mi majeur, ce qui, tout en facilitant l’exécution, atténue toutefois l’effet lumineux rêvé par le maître.

L’intermède d’orchestre fut aussi l’objet de retouches tellement nombreuses et importantes que la seconde version n’a presque plus de rapport avec la première. C’est un bien curieux exemple de conscience artistique que cette réfection complète d’un long morceau symphonique déjà exécuté et même gravé, mais c’est à cette conscience que nous devons la superbe mélodie qui constitue l’idée principale de cette intermède. Enfin, un chœur sombre aux harmonies très frappantes fut ajouté au commencement de la deuxième partie pour contraster avec les clartés terminales.

La première audition de cette composition, si nouvelle à tous égards, eut lieu au théâtre de l’Odéon, le jeudi saint de l’année 1872.

(À suivre).

Vincent d’Indy.

Les Sonates de Beethoven

pour piano et violon
(suite)

Les deux sonates suivantes, la quatrième (œuvre 23) et la cinquième (œuvre 24) sont dédiées au Comte Maurice de Fried, chambellan de l’Empereur François d’Autriche. La septième symphonie en la achevée le 12 mai 1813, et exécutée pour la première fois, à Vienne, le 8 décembre 1813, est également dédiée au même haut personnage.

Ces deux sonates ont été composées après les six premiers quatuors à cordes, le septuor et la première symphonie.

Le presto initial de la quatrième sonate (œuvre 23) est à 6/8 et en la mineur. Après trente mesures fortement mouvementées survient un épisode plus calme qui donne l’illusion d’un véritable trio. La main droite, la main gauche et le violon conversent agréablement entre eux. Après le début de la deuxième reprise une courte phrase en fa du violon est d’un tour aimable et gracieux. À l’exception de ces deux passages, tout ce presto a une physionomie tourmentée. L’allure précipitée des thèmes, leur tonalité, la fréquence et la brièveté des réponses entre les deux instruments, le dessin harmonique, de temps en temps quelques intervalles de seconde augmentée, tous ces signes par leur assemblage réussissent à exprimer merveilleusement les sentiments véhéments et divers d’une âme fortement impressionnée. Mais voici venir le mieux tourné, le plus élégant et à la fois le plus sentimental des madrigaux.

Quel badinage distingué et tendrement ému que cet andante scherzoso piu allegretto ! Au thème pimpant et coquet formé par une série de deux croches unies par un arc de liaison, mais dont la seconde est piquée, succède une fugue, mais point une fugue pédante ou guindée. Des trilles ornent cette fugue, pareils à d’aimables sourires ; les traits en doubles croches perlées à peine effleurées sont d’une idéale délicatesse. Cet allegretto est un chef-d’œuvre de grâce et de sensibilité d’un art essentiellement xviiie siècle.

L’allegro molto final contribue à donner à cette sonate sa note d’émotion sincère et son cachet d’aristocratique élégance. Le motif en la mineur du début fait songer à de tendres plaintes, les marches liées jouées en sens contraire par le piano et