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oense de son talent, la charge de Roy des Violons. Cet honneur et un succès qu’il venait d’obtenir sur les maîtres de danse lui firent juger le moment propice pour étendre sa domination. À cet effet, il délégua ses pouvoirs à un nommé Pierre Raymond, dit la Violette, maître joueur d’instruments de Lyon, qui ne craignit pas de tenter un nouvel et dernier effort contre ses confrères. Le procès battait son plein en 1660, entre : « le Prévost des Marchands et les Échevins de la Ville de Lyon intervenant dans l’instance entre Pierre Raymond dit La Violette maistre joueur d’instrumens de ladite Vîlle, et la communauté des maistres joueurs d’instrumens, au sujet de prétendues lettres de lieutenant de Roy des Violons de la Ville de Lyon, obtenues par ledit Raymond, qui vouloit s’y faire recevoir en cette qualité. » Nos archivistes ont conservé trace du volumineux dossier de cette instance, pour laquelle on s’était entouré de tous les documents propres à éclairer la justice : copies de lettres-patentes, édits, règlements, sentences judiciaires, bref tout un arsenal de pièces, au moyen desquelles, les sieurs Pirodon et Lathoud dressèrent au nom du Consulat un assez fade mémoire. Nous n’en retiendrons que les deux points suivants qui nous fourniront l’objet d’études postérieures :

L’on ajouctera encore que, outre que l’on choquerait la liberté publique, l’on heurterait la Charité, en ce que de temps en temps, il y a des pauvres renfermés qui, ayant appris à jouer du violon, estant en âge de raison, sortent de ladite Charité et gagnent leur vie dans la Ville en jouant de leurs violons, ce qu’ils ne pourraient faire, etc. etc.

En faisant ledit établissement (celui de la jurande) l’on détruirait une confrérie desdits joueurs d’instrumens introduite de tous tems, qui a des privilèges et des indulgences, et anéantirait les règlemens qui ont été par vous Messieurs (du Consulat) autorisés.

Le rôle des Recteurs de l’aumône générale dans l’étude de la musique, et la confrérie des Musiciens lyonnais sont deux sujets à traiter.

Ce fut le dernier assaut donné à nos musiciens : du reste le Roy des Violons avait bien assez à se défendre. Sa royauté et ses privilèges étaient attaqués en vertu du principe même qui avait été la base de leur création. Les ménestrels du xive siècle s’étaient réunis pour sauvegarder par des réglements la dignité et les bonnes traditions de l’art, mais envisagée sous un autre aspect, que les organistes, professeurs de musique et compositeurs, voulaient se soustraire à la juridiction de ceux qu’ils appelaient Menetriers, c’est-à-dire musiciens d’un ordre inférieur.

Pour que les revendications des musiciens fussent si réitérées et si opiniâtres, il fallait que le régime, réclamé par eux, eût de grands avantages, et par suis l’on devrait supposer que les cités affranchies des maîtrises et jurandes aient attiré dans leur sein l’élite des virtuoses. Il n’en fut rien pour Lyon.

Le xvie siècle, alors que le pouvoir du Roy des Violons était assez peu assuré, peut fournir une brillante phase de l’histoire musicale de notre ville, résultat d’une double influence : d’abord, l’arrivée des musiciens italiens, qui suivaient la fortune de leurs riches compatriotes, puis le protestantisme, qui voulut étendre sa réforme sur le culte comme sur le dogme. Il lui fallut une musique nouvelle pour chanter ses psaumes, et c’est à Lyon, qu’elle trouva ses théoriciens et ses praticiens les plus remarquables. Après cette période, Lyon ne prit plus guère le souci, que de mettre ses célébrités musicales au monde, pour les voir briller ensuite dans

la capitale.

G. Tricou.

Nous continuerons dans notre prochain numéro la publication de l’étude de M. Daniel Fleuret, professeur au Conservatoire, sur la littérature de l’Orgue.

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