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revue musicale de lyon

NOTES ET DOCUMENTS POUR L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE À LYON

Les Musiciens Lyonnais

ET LE ROY DES VIOLONS

Avant d’aborder l’examen des rapports, toujours aigres, qui ont existé entre les musiciens lyonnais et le Roy des Violons’’, il ne nous semble pas inutile de rappeler en peu de mots ce qu’était ce dernier.

En 1321, les ménétriers de Paris, concentrés dans un quartier spécial, la rue au Jugléeurs, se réunirent en corporation, autant pou assurer la conservation des bonnes traditions musicales que pour monopoliser entre leurs mains les profits du métier. Dirigée d’abord par des jurés, cette association ne tarda pas à mettre à sa tête un chef, qui prit ou conserva le titre déjà consacré par l’usage de Roy des Ménestrels. Dès son origine, cette corporation sut prendre un essor et une importance considérables, dont l’accroissement ressort aussi bien des termes de ses règlements successifs que de la qualification et des pouvoirs accordés à son chef. Déjà, au xive siècle, ce dernier s’intitule Roy des menestriers du Royaume de France, titre qui lui est officiellement reconnu dans de nouveaux statuts confirmés par le Conseil du Roy en 1407, à la demande, y est-il dit, des musiciens de Paris et aultres de nostre Royaume. Cette affirmation, très certainement risquée, dénote l’intention bien arrêtée du chef de la corporation d’étendre sa juridiction au delà de la capitale. Son pouvoir territorial et sa compétence allèrent croissant jusqu’en 1658, mais à partir de cette époque, sous les coups réitérés des organistes, des professeurs et des compositeurs, et par suite des privilèges accordés aux bandes de violon du Roi et à l’Académie de danse, le Roy des Violons dut revenir peu à peu au titre de Roy des Ménétriers et des joueurs d’instruments à danser, alors que ceux-ci n’occupaient plus qu’un rang secondaire dans l’échelle des musiciens. Aussi, le violoniste Guignon, le dernier pourvu de l’office, en arriva, après une lutte aussi acharnée que stérile, à résigner en 1773, un titre qui ne comportait plus aucun pouvoir sérieux.

Le Roy des Violons était chargé de maintenir la police du corps ; il jugeait tout ce qui concernait l’exercice de la profession, délivrait des brevets de maîtrise, fixait la durée et les conditions d’apprentissage, et, enfin, percevait des taxes et des amendes, dont une part lui appartenait, et dont le surplus passait soit à l’hospice de Saint-Julien, fondé par les Ménestrels, soit au fisc. Cette dernière destination était la grande force de la corporation, pour obtenir des pouvoirs publics la confirmation et l’accroissement de ses privilèges, en dépit des protestations de tous genres, que ne tardèrent pas à formuler les musiciens.

La première conséquence de l’extension de la juridiction territoriale du Roy des Violons, fut la faculté de se choisir des lieutenants, qui exerçaient soit directement, soit encore par des substitués, les pouvoirs de leur commettant, non sans en retirer pour eux un bénéfice : les exactions de ces subalternes furent certainement la principale cause des attaques dirigées, sans relâche, contre l’institution, à partir du xviie siècle.

Il est fait mention des députez du Roy des Violons dans les statuts de 1407, que l’acte de confirmation rend obligatoires par tout le Royaume, sans que toutefois, il y soit porté aucune disposition spéciale pour les musiciens de Province. Ce n’est guère qu’en 1658 et en 1747 que les droits et surtout les obligations de ces derniers furent indiqués d’une façon expresse, dans les villes Majeures (Lyon en était), l’aspirant doit subir l’épreuve devant le lieutenant, payer un droit de maîtrise et de confrérie.