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au mode majeur donne le thème du Crépuscule, et celui, arpégé, de la Chevauchée des Walkyries. On pourrait poursuivre ce travail : l’étude complète de la dérivation des thèmes est encore à faire.

Mais il est un autre point de vue sur lequel nous ne saurions passer : c’est la portée symbolique et philosophique des thèmes. Car c’est moins dans le poème que dans l’orchestre qu’il faut chercher les idées générales chères à Wagner. L’idée d’apaisement, de pardon et d’amour, telle est la notion finale qu’il a voulu faire ressortir de ce drame immense, tourmenté, ténébreux, plein de malheurs et de crimes. La Rédemption par l’amour et le retour à la Nature, telles sont les deux idées maîtresses qui passent à travers l’œuvre et lui donnent une indéniable portée morale. Ici encore comme dans Tristan, c’est dans la mort, dans le crépuscule final, que l’amour trouve sa pleine réalisation ; le bûcher de Siegfried, comme l’esplanade de Carréol est un piédestal sur lequel se dresse l’amour, l’idole suprême. Mélodiquement c’est par le thème des éléments primitifs, de la Nature, que Wagner termine son œuvre ; mais pour enlever à cette conclusion ce qu’elle aurait de trop essentiellement matérialiste, le Maître a superposé à ce premier motif, celui adorablement éthéré, de la Rédemption par l’Amour. Et c’est bien là le concept général qui se dégage de l’œuvre toute entière, de l’œuvre mélodique et harmonique surtout. Jamais drame plus sombre n’exhala une philosophie plus douce, plus sereine, plus détachée : la conclusion du Crépuscule est comme un prélude du divin Parsifal. Sous sa forme divine ou sous sa forme humaine, jamais le plus grand des génies n’a cessé de chanter ce qui constitue en définitive la première sinon l’unique raison de vivre : l’Amour.

Edmond Locard.

Dans nos prochains numéros, nous publierons les études suivantes :

Le système rythmique et mélodique de Hugo Riemann, par M. D. Calvocoressi.

Les sonates pour piano et violon de Beethoven, par P. F.

Les musiciens lyonnais et le Roy des violons, par G. Tricou.

Henry Duparc et ses Lieder, par Henry Fellot.

Musiques d’église : ii. Le chant grégorien, par Léon Vallas.

Impressions de théâtre : Le tragédien lyrique, par Cl. Laroussarie.

L’état mental de Schumann, par Edmond Locard.

La critique musicale à Lyon au xixe siècle, par Léon Vallas.

La Littérature de l’Orgue

Nous commençons sous ce titre la publication d’un cours sur la littérature de l’orgue de M. Fleuret, professeur au Conservatoire.

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On l’a répété souvent : l’orgue est le roi des instruments. C’est là un titre de noblesse incontestable accordé pour de multiples raisons. Roi des instruments, l’orgue les domine tous par l’étendue des sons qui part du majestueux trente-deux pieds pour s’étendre jusqu’au minuscule piccolo. – L’orgue monumental de Sydney possède même un colossal soixante-quatre pieds dont l’ut fondamental ne possède que huit vibrations. – En cela il dépasse l’orchestre puisqu’il réunit toute l’échelle des sons que l’oreille peut saisir. Bien que l’idéal des facteurs d’orgues ne doive pas être d’imiter servilement tous les instruments de l’orchestre, l’orgue réunit en lui les différents timbres usités par les compositeurs : la famille des instruments à vent s’y trouve représentée par la flûte, le hautbois, la clarinette, etc. Nous y retrouvons le charme exquis des instruments à archet dont les gambes donnent parfois une surprenante illusion. Mais ce n’est pas là encore le principal mérite de l’instrument divin qui mérite si justement toute notre admiration.

Ses origines sont fort reculées et enveloppées de ténèbres. Son nom est énigmatique mais nous le trouvons mentionné déjà au premier livre de la genèse : Je nomen patris ejus ubal ipse fuit pater tract-