Mlle Claessen a fait de Marguerite un de ses meilleurs rôles ; le quatuor du jardin qui reste la page la plus exquisement émue et douce de Gounod lui a valu un succès mérité.
Il faut cependant relever, dans cette reprise de Faust, une regrettable lacune, c’est le manque absolu de correction de l’orchestre, épais, flottant et divers, sous la présidence de M. Archaimbault : ce chef d’orchestre constitutionnel règne et ne gouverne pas. Le final du trio de la prison a été enlevé avec une précipitation qui peut avoir sa raison d’être lorsque l’artiste chargée du rôle de Marguerite, chante en voix de tête, et cherche à escamoter les notes élevées dont les dernières mesures abondent. Ce n’était guère le cas avec le très bel organe de Mme Claessen. Si M. Flon avait conduit l’orchestre jeudi dernier, nous eussions été heureux d’enregistrer une représentation à peu près parfaite.
Il y a quelques jours, le Salut Public faisait au sujet des représentations du dimanche, au Grand-Théâtre, les observations suivantes :
« Nous nous permettons de poser à l’administration municipale cette simple question : Oui ou non, le public du dimanche, composé en majeure partie d’ouvrier et d’employés que leurs occupations empêchent de venir au spectacle les autres jours, a-t-il droit aux mêmes égards que celui de la semaine ?
Il nous semble que sous le régime de la régie municipale, régime de forme essentiellement démocratique, poser cette question, c’est la résoudre – par l’affirmative la plus absolue – le public du dimanche payant sa place au même tarif que celui de la semaine.
Alors pourquoi, lorsque la direction sait pertinemment qu’une représentation sera forcément inférieure, semble-t-elle se faire ce raisonnement qu’elle sera bien suffisante pour les bonnes gens qui ne peuvent venir au théâtre que le dimanche ?
Ces réflexions nous sont suggérées par la représentation de Lakmé qui s’est donnée dimanche soir au Grand-Théâtre et dont les habitués de notre première scène ont eu lieu de se plaindre à trop juste titre pour que nous ne nous fassions pas l’écho de leur doléances.
La thèse que nous soutenons a d’ailleurs été déjà défendue par une plume autorisée et non suspecte d’hostilité à la régie, celle de notre confrère Raoul Cinoh, qui la développa l’an dernier, en de trop excellents termes pour que nous éprouvions le besoin d’insister d’avantage ».
Nous nous associons entièrement à cette observation justifiée encore par la représentation de Carmen donnée le 1er janvier.
Le programme annonçait que le rôle de Don José serait chanté par M. Boulo, le ténor spécialement chargé du service des matinées, et des représentations des dimanches et fêtes. Un imprévu empêche M. Boulo de jouer : on le remplace par M. Viviany dont l’insuffisance a été constatée par tous nos confrères ; le premier acte, avec cet interprète du dernier moment, a presque été tolérable ; mais, au second, ce fut un désastre ; le malheureux ténor nous a donné une série de la et de si bémol dont un seul aurait déchaîné une tempête au temps heureux où il était permis de siffler au théâtre sans mériter pour cela l’épithète de réactionnaire et de clérical.
Les autres artistes ont traité également avec la plus grand désinvolture le bon public assez nigaud pour venir au théâtre le jour de l’an et MM. Merle-Forest et Vialas, pendant l’arrivée de Don José à l’auberge de Lilas Bastia, ont échangé une conversation, non prévue par Mérimée et dont les facéties de circonstance, monnaie courante au café-chantant du cours Gambetta, ne sauraient être tolérées sur notre Première Scène Municipale.
L’orchestre était dirigé par son second chef ; c’est dire que toute la soirée a été entre les cordes, les bois, les cuivres, et les artistes de la scène, une course handicapée dont les spectateurs furent les témoins attristés.
Il est vraiment regrettable que la régie municipale nous offre journellement les petits scandales artistiques tant reprochés à la directin Tournié. Partisan en principe du système actuel appliqué à notre Théâtre nous ne pouvons dissimuler notre mécontentement en constatant de pareils procédés : que M. le Maire médite donc soigneusement le remarquable rapport qu’il rédigea naguère sur la question des Théâtres !
Après Mlle Janssen et Mme Charles Mazarin, Mlle Claessen a repris samedi le rôle d’Elsa dans Lohengrin. Cette artiste, dont notre chroniqueur théâtral dit plus haut la louange, à l’occasion de la représentation de Faust, a été excellente de tous points, et elle