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violemment détachées aux cordes basses, puis les appels sonores, coupés de silence, durement heurtés, que lancent les cuivres, annoncent la déchirante, l’angoissante, l’indicible douleur du thème des Wälsungen vaillants ; et le hoquet tragique des doubles appels de cuivre reprend, résonne, réapparaît, inlassablement, soutenu par les roulements sourds des violoncelles. Et, successivement, les thèmes de la Tétralogie reviennent, esquissés ou nets, estompés ou durs, unissant et fondant en une page unique toutes les splendeurs de l’œuvre incomparée. Le Ring entier, pleure et gémit sur le cadavre qu’on emporte dans l’ombre, c’est tout le drame, c’est toute l’œuvre qui vient égrener ses splendeurs, et en faire litière au cortège lugubre. L’amour de Sieglinde, et de Siegmund (xvii), toute l’idylle adorable du premier

xvii

[partition à transcrire]

xvii. – Thème de l’amour de Sieglinde

acte de la Walkyrie, chantent, rappelant la divine origine du fils de Welse, puis éclate la fanfare claironnante de Nothung, se détachant des harmonies caverneuses du Herrescherruf d’Alberich, et des corbeaux et c’est enfin le thème, progressivement assombri, de Siegfried gardien de l’Épée.

Les brumes qui couvraient la scène se sont élevées ; une claire nuit de lune illumine les bords du Rhin. Gutrune, envahie d’un sombre pressentiment, attend son époux. Seule la trompe de Hagen résonne, lointaine d’abord, puis voisine. Le fils farouche du Niebelung annonce la mort du héros, tandis que le thème sombre qui le caractérise gronde aux bassons et aux violoncelles. Coupée et haletante, la fanfare de Siegfried passe aux cors de l’orchestre. Le cortège arrive au fond de la scène ; Gunther, dont le motif caractéristique se dessine, pleure la mort et le crime, tandis que Gutrune se jette sur le cours de son époux. Hagen veut prendre au doigt de sa victime l’Anneau fatal dont les hautbois et les cors répètent les tierces mineures ; Gunther arrête Hagen, ils combattent, et le roi des Burgondes tombe frappé par l’épieu. Une fois encore, la malédiction d’Albérich résonne. Le fils du Niebelung marche vers le cadavre, dont la main se dresse menaçante (thème de Nothung). Hagen, terrifié, recule. Le thème de l’anneau fait place à la mélodie primitive. Brünnhilde entre. À l’interrogation du thème de la destinée (xiii) répond le motif de la Fin des dieux. La Walkyrie devenue femme impose silence aux gémissements et aux clameurs de tous. Au guerrier mort, elle seule saura faire des funérailles dignes de lui. Sur son ordre, un bûcher s’élève, elle-même s’y place à côté du cadavre de l’époux, et tandis que passe aux trompettes le motif de la chevauchée, Grane, le cheval de la déesse, saute au milieu des flammes. Le chant des ondines, les tierces mineures de l’Anneau maudit, se succèdent, indiquant le prochain retour de l’Or à ses gardiennes primitives. C’est aux filles du Rhin, en effet, que Brünnhilde jette l’anneau fait de l’Or rouge. Hagen désespéré se jette dans les flots pour défende le bien acquis par un crime. Une dernière fois les cuivres rugissent la malédiction, Hagen a disparu, victime à son tour de l’effroyable exécration vouée par son père à quiconque touchera le gage de Suprême-Puissance. Dès lors, tout se calme, les flammes crépitent à l’orchestre, envahissent la scène toute entière montant jusqu’au Walhall, où les dieux même vont mourir. À l’harmonieuse ondulation de la mélodie primitive, se superpose, les progressions de plus