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et ne rendra pas l’Anneau. Les filles du Rhin s’enfoncent dans les flots, tandis qu’aux trombones gronde une fois encore le thème de la malédiction. Mais des appels de cors se font entendre, ceux de la scène font retentir le motif de Hagen, ceux de l’orchestre celui de Siegfried. Comme l’on s’étonne de le voir sans gibier, le héros raconte aux guerriers qui l’entourent, accompagnant Hagen et Gunther, l’étrange rencontre qu’il a faite au bord du Rhin. Quand il parle de la prophétie de mort, un thème sinistre proposé par les violoncelles et que tout à l’heure déjà les cors avaient fait entendre, souligne de ses lugubres accents la promesse du malheur prochain. Ce thème présente la plus grande analogie avec la triste mélopée du cor anglais au début du troisième acte de Tristan.

Cependant les guerriers se sont groupés, pour le repas ; Hagen demande à Siegfried s’il est vrai qu’il ait su autrefois comprendre le chant des oiseaux. « Il y a longtemps que je ne les ai pas écoutés », répond-il, et pour distraire Gunther qui est sombre, il raconte l’histoire de sa jeunesse.

Ici commence ce long et magnifique récit de Siegfried qui, continué par la Trauermarsch, ramènera la plus grande partie des thèmes tétralogiques. C’est dans cette page incomparable, qu’il est le plus intéressant de se rendre compte de l’enchaînement, de la fusion et de l’altération des motifs conducteurs.

Le récit de Siegfried est annoncé par le chant de l’oiseau, dit par le premier hautbois (viii). Le héros raconte d’abord sa vie dans la caverne de Mime, avec le gnome hideux que l’orchestre nous décrit par le thème de l’enclume altéré dans son rythme (xi) et rapproché ainsi de son dérivé le thème caractéristique[1] de la démarche de Mime, et par le motif des Niebelungen (deux tierces l’une majeure, l’autre mineure, à intervalle d’octave diminuée descendant, xiv). Siegfried reçut du nain des leçons dans l’art de

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[partition à transcrire]

xiv. – Thème des Nibelungen

forger, mais lui seul a pu resouder l’épée léguée par sa mère[2], le nain (thème des Niebelungen, cors) mène Siegfried vers l’antre de Fafner[3], qui est frappé. Un discret rappel des murmures de la forêt est produit par l’apparition du thème de la détresse des Walsungen[4], puis le frisselis même du murmure se dessine aux cordes hautes, et le héros répète dans les termes et dans le ton même où elles furent dites, les paroles de l’oiseau. Pendant

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[partition à transcrire]

xv. – Thème de la détresse des Wälsungen

ce récit de la conquête du heaume et de l’anneau, inlassablement passe à l’orchestre le thème de la détresse des

  1. V. partition de Siegfried, thème de l’enclume, prélude, p. 2 (altos) et le thème de Mime, p. 19 (violons).
  2. Thème de Nothung, trompette ; thème de la forge 1er et 2e violons. Il faut noter à cet endroit un intéressant exemple de l’altération des thèmes. Lorsque Siegfried raconte comment il fut obligé de forger lui-même Nothung, les violons et les altos esquissent d’une façon imprécise les premières notes de la phrase : Poupon vagissant mes bras t’ont reçu, puis passe léger comme un souffle, estompé sur le motif nettement détaché de l’enclume, une réminiscence du thème de la Joie de Vivre, rappelant l’amour des voyages et de l’activité physique qui peint la jeunesse du héros.
  3. Thème du dragon (xii) violoncelles et contrebasses.
  4. Qui dans les murmures ne cesse de chanter à la clarinette basse, au cor, au violoncelle (xv)