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serment sur sa lance. « Laisse en paix et calme la sauvage fille du Roc, dit-il à Gunther, que sa farouche humeur s’apaise », et entraînant avec lui Gutrune et les guerriers, il pénètre joyeusement dans la salle où le festin est préparé.

Brünnhilde est restée seule avec les deux frères. Hagen lui propose de la venger de Siegfried : « Un seul regard de ses yeux pleins de flammes, anéantirait toute ta force, répond-elle, et nul ne peut le vaincre. » Pressée de questions, elle raconte que par des charmes elle l’a rendu invincible. En un seul point l’épieu pourrait l’atteindre : sachant que jamais il ne tournerait le dos à l’ennemi, elle n’a point songé à rendre ses épaules invulnérables. C’est là que Hagen frappera. Gunther proteste : un serment le lie, il ne laissera pas perpétrer un tel crime. Son frère lui représente que la mort du héros laisserait en leur pouvoir l’Anneau, signe de suprême puissance. Il se décide alors. Pour éviter les pleurs de sa femme, c’est pendant une chasse que Siegfried sera frappé. On fera croire à Gutrune qu’un sanglier furieux s’est jeté sur lui. Les trois voix s’unissent en un serment de vengeance contre celui qui a trahi sa foi.

Acte troisième

Un vallon sauvage, où la forêt a le Rhin pour limite, étage ses rochers et son ombre sur la profondeur de la scène.

Au loin, le cor retentit, répondant aux cors de l’orchestre qui sonnent le thème de l’Appel du fils des bois (vi). Une trompe de chasse, d’autres cors, répondent à leur tour, tandis qu’à l’orchestre éclate, pour la première fois, un appel ré bémol, ut de trombones, qui reparaîtra souvent par la suite ; puis, après que les triolets du cor de Siegfried se sont tus, apparaît le thème originel du Rhin ou des Éléments Primordiaux ; sur la fondamentale de fa majeur tenue par les contrebasses, un cor en fa égrène les notes constitutives : tonique, médiante, dominante, de l’accord parfait ; successivement les sept autres cors répondent, enchevêtrant leurs sons, jusqu’à ce que s’élève, sur leurs tenues et les gammes des violoncelles, le motif des filles du Rhin (vii) proposé par les hautbois et les clarinettes : cors et trompes alternent encore, au loin, sur la scène, avant que le thème des filles du Rhin ne passe aux cordes, puis de nouveau, aux bois.

Woglinde, Wellgunde et Flosshilde émergent, décrivant dans le Rhin, des cercles, et formant une sorte de ronde. Leur chant s’élève, pleurant l’Or disparu, invoquant le retour du héros qui le leur rendra. Et voici précisément Siegfried, couvert de son armure, l’épieu à la main, poursuivant un ours, qui s’est dérobé. Et comme les Filles du Rhin l’appellent et lui demandent ce qu’il leur donnera, en échange de la bonne piste qu’elles vont lui indiquer : « Je suis sans butin, demandez ce que vous voudrez ! » répond-il. Les Filles du Rhin demandent l’anneau qu’il porte au doigt. Aux flûtes, hautbois et clarinettes passent les tierces mineures du thème de l’Anneau (i), maudit par Alberich. Siegfried refuse, puis, devant leurs rires et leurs moqueries, va céder. Mais elles, à leur tour, refusent l’anneau, et lui révèlent qu’il fut maudit par celui même qui le forgea. Deux fois, la trompette basse, doublée à l’octave par les hautbois, répète le thème de la malédiction d’Alberich. Les filles du Rhin annoncent à Siegfried qu’il est condamné comme tous ceux qui ont porté l’anneau et que bientôt il va mourir. Le sombre appel ré bémol, ut que nous avons précédemment noté, et revient, aux cors, alternant avec le thème de l’enclume (xi) (altos), celui de l’anneau (i) (cors), et la mélodie originelle (flûtes, hautbois, clarinettes).

Siegfried méprise ces menaces. Il va, confiant en son épée (thème de Nothung),