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M. Maurice Reuchsel a joué avec beaucoup de charme une très intéressante Romance de Georges Hüe et une Poème élégiquage de sa composition. Le voisinage d’une œuvre de Georges Hüe était dangereux pour le Poème de M. Reuchsel, qui nous a semblé de bien médiocre intérêt et qui abonde en réminiscences trops saillantes. C’est ainsi que les premières mesures du piano d’accompagnement ne sont autres qu’un ressouvenir du thème du destin de la Walkyrie, que l’on reconnait plus loin un motif très proche parent de certain passage de l’allegro de la Sonate de Franck, et aussi le thème du mystère du nom de Lohengrin, textuellement reproduit dans la partie de piano.

Le concert se terminait par le quatuor inachevé de Lekeu, œuvre admirable et intensément passionnée, mais dont l’exécution a été quelque peu compromise par l’insuffisance de l’artiste chargé de la partie d’alto. MM. Reuchsel ont droit à toutes nos félicitations pour le choix de cette œuvre peu connue et que nous espérons pouvoir réentendre bientôt.

M. Degaud.

Je me permettrai d’ajouter à l’article de notre collaborateur un mot sur la question des instruments anciens que j’ai déjà eu l’occasion d’effleurer l’hiver dernier dans le Guide Musical et dans un journal de Lyon.

MM. Reuchsel ont composé pour leur premier concert un excellent programme où en dehors des noms des compositeurs modernes, se trouvent réunis ceux de Corelli, Händel, Rameau et Beethoven ; or les musiques de Corelli sont jouées sur le quinton, la viole de gambe et la viole d’amour ; celles de Beethoven, sur le violon, le violoncelle et l’alto ; cette différence de traitement est justifiée, paraît-il, par un souci louable de reconstitution historique, ce qui donnerait à entendre que les œuvres de Corelli, par exemple, ont été écrites pour des instruments différents de nos modernes instruments à cordes.

Or, il n’en est rien : Corelli était un violoniste, des plus remarquables du reste, et non pas un virtuose du quinton.

Le quinton, à son époque, était depuis longtemps remplacé par le violon. Corelli vécut, en effet, de 1653 à 1713 et le violon

était presque généralement employé depuis le début du xvie siècle. Des documents nous montrent qu’en 1550 des violons figurèrent dans les fêtes offertes par la ville de Rouen à Henri ii et à Catherine de Médicis. Vers la même époque, l’italien Baltasarini vint à la cour de France avec un troupe de violonistes, et tout le monde sait que, sous le règne de Louis xiii, fut instituée une bande de musiciens qui devint célèbre sous le nom de « vingt-quatre violons du roi » et qui compta plus tard parmi ses membres J.-B. Lulli, né vingt ans avant Corelli. D’autre part, Stradivari, qui a amené le violon à un degré de perfection qui n’a jamais été atteint depuis, n’était-il pas lui aussi l’aîné de Corelli ? Du reste, argument essentiel, les œuvres de Corelli sont écrites uniquement pour le violon.

Pour donner, sans doute, un peu de vraisemblance à cette prétendue reconstitution historique, le programme de la soirée de vendredi dernier comporte une note indiquant la date de fabrication des instruments employés : le quinton est signé Michel Colignon et daté de Paris 1686. Cette indication ne saurait être un argument. En effet, maintenant encore, certain facteurs de pianos construisent des clavecins et un luthier lyonnais se chargerait certainement aujourd’hui de faire un quinton du xve siècle : que penserait-on, pourtant, d’un musicien qui, dans deux cents ans, en vue d’une reconstitution historique, s’aviserait de faire jouer sur le clavecin et le quinton le Poème élégiaque de M. Reuchsel composé en 1903, en se basant sur ce fait qu’il aurait en sa possession un clavecin Erard et un quinton signé Blanchard, daté de la même année ?…

Léon Vallas.


Correspondance de Paris

Je sors d’entendre l’Enfance du Christ et je ne puis dire combien j’ai été touché par le charme de cette musique, son archaïsme discret, son instrumentation à la fois si colorée et d’une teinte grise et vieillotte exquise, enfin la tendresse et la pureté de sa mélodie.

Et je comprends presque la bévue ridicule