À travers la Presse
Les reprises du Chalet et de la Fille du Régiment ont eu une très mauvaise presse. Citons le Salut Public (Amaury).
« Si la municipalité qui préside à nos destinées locales est avancée en politique, elle est, en musique, terriblement réactionnaire à certains jours. Au moins conviendrait-il, quand on veut revenir à ce répertoire presque antédiluvien, d’abaisser notablement le prix des places. À tout faire que d’aller entendre de l’opérette, il vaut mieux traverser le Rhône et passer sa soirée au Nouveau-Théâtre : on n’y paie pas huit francs un fauteuil, et, avec Mlle Mariette Sully, le spectacle y est certainement plus agréable. »
L’Express Républicain (L.) proteste à cette occasion contre certains procédés de la direction du Grand-Théâtre.
« Depuis la reprise du Barbier de Séville, nous n’avions pas revu M. Boulo. La direction a pris, en effet, l’habitude d’établir parmi ses pensionnaires une sorte de classement correspondant aux diverses catégories de spectateurs.
« Au public des « premières », s’il s’agit d’opéra-comique, on fait entendre M. Gautier ; M. Boulo suffit aux spectateurs de la semaine et ceux du dimanche doivent se contenter de M. Vialas.
« Pour le grand opéra, une gradation analogue nous fait descendre de M. Verdier à M. Gautier, puis à M. Viviany, en attendant que M. Echenne soit chargé d’assurer le service des matinées du dimanche.
« Il en est de même pour les artistes de tous les autres emplois, et il arrive que la distribution de certains opéras soit parfois tellement bouleversée, comme dans Salammbô dimanche dernier, que les chanteurs ne savent plus, eux-mêmes, où ils en sont et quels sont leurs rôles respectifs.
« Je n’ai pas à insister sur le caractère peu démocratique de ce singulier procédé et de ce sans-gêne avec lequel sont traités les spectateurs du dimanche. Il me suffira de constater que les directions antérieures à la régie ont été sévèrement blâmées et rappelées à l’ordre chaque fois qu’elles se permettaient de pareils errements. »
Lyon Universitaire (Fafner).
« Il nous revient de diverses sources que le public intellectuel papote ferme au sujet des prochaines représentations de tout ou partie du divin Anneau du Niebelung. Un de mes amis, généralement bien informé, m’affirmait l’autre jour avec la plus déplorable conviction, que, pour imiter de plus près Bayreuth on allait transformer à cette occasion le foyer du Grand-Théâtre en buffet, à la mode allemande. Complétons l’information en annonçant que la direction vient de décider que les trompettes sonneraient, toujours à l’instar de Bayreuth, les thèmes caractéristiques de chaque tableau, sous le péristyle à la fin des entractes ; en outre, il est question de planter, pour plus de ressemblance encore, une forêt, rue Lafont et rue Puits-Gaillot, on aura ainsi d’une façon frappante, l’illusion d’un pélerinage au Festspielhaus bayreuthien. »
Dans la Revue du Nouveau Siècle, notre collaborateur J. Sauervein donne du Style en musique une excellente définition que nous reproduisons ci-dessous :
« Le style, c’est l’application en détail de l’idée d’ensemble. Une œuvre de style, par exemple en architecture, est une œuvre où chaque ornement, chaque pierre, pour ainsi dire, est marquée d’un sceau, ne pourrait pas appartenir à un autre édifice. Il en est de même en musique : ce qui fait si hideuses les compositions de M. Léoncavallo, par exemple, c’est que l’idée d’ensemble n’existe pas et que, par suite, il est superflu de la chercher dans les détails. Il y a un style italien, mon Dieu ! qui en vaut bien un autre : Il Trovatore peut déplaire à certains, mais du moins, il n’y a pas de dissonances choquantes, de ces heurts maladroits qui prouvent que le compositeur, au lieu d’écouter la grande voix unique de son inspiration, s’est adressé à droite, à gauche, un peu partout : d’où l’aspect hétérogène de son œuvre. En matière d’interprétation, il y a deux cas à considérer : ou bien l’on interprète une œuvre faite de pièces et morceaux, dénuée de style, où la pensée manque. Dans ce cas, il n’y a qu’une ressource : tirer de chaque partie, de chaque détail, en particulier, son maximum d’effets, sans se soucier de faire concourir ces effets de détail à un effet d’ensemble. C’est une maigre ressource, mais le plus grand génie ne pourra faire une œuvre d’art du personnage de Caravadossi.