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qu’il préfère, il vous citera deux ou trois fugues de Bach. Pour Händel on serait bien embarrassé de le faire car il n’existe pas, chose qui surprendra beaucoup de gens, d’œuvre originale de lui pour orgue seul. Chez les modernes on vous citera la Toccata de M. Widor. Un point et c’est tout.

D’autres encore vous diront qu’il n’y a pas de musique intéressante écrite spécialement pour l’orgue et qu’il vaut mieux jouer des transcriptions d’œuvres connues et de valeur, des fragments de Beethoven, Schumann, voire même Wagner. À l’inconvenance de l’exécution de ces œuvres à l’église il a été répondu l’autre jour par avance dans l’article sur la Musique d’Église. De plus il y a une réponse topique à faire aux amateurs de transcriptions. Le pays où il se joue le plus de ces transcriptions, il y en a des centaines de publiées, c’est l’Angleterre, le pays le plus antimusical qui soit au monde.

Cette ignorance presque générale a plusieurs causes. Une des principales est qu’il n’existe pas de transcription des pièces d’orgue pour piano. Alors que sur tous les pianos traînent des arrangements, de quatuors, symphonies ou opéras vous chercheriez en vain une transcription de morceau d’orgue et cependant certaines pièces pourraient facilement se jouer à quatre mains ou à deux pianos et en donner une idée à peu près aussi exacte pour le moins que celle que peut donner l’arrangement à quatre mains des symphonies de Beethoven.

La seconde raison est que l’on entend, en France du moins, l’orgue exclusivement à l’église. Là, les morceaux sont souvent tronqués par les exigences de la liturgie ; de plus l’auditeur n’ayant pas de programme, ne pouvant matérialiser ce qu’il entend pas un nom d’auteur ou par un titre de morceau, est exposé à s’égarer et ne peut coordonner ses impressions.

Enfin, la dernière cause, peut-être la

meilleure, c’est que ce n’est que depuis peu d’années que les organistes jouent de la musique digne de ce nom. Il y a encore quelque trente ou quarante ans, en province du moins, on inaugurait toujours un orgue avec un bel orage avec des effets de grêle, tonnerre, etc., des improvisations macaroniques, et deux ou trois morceaux de Batisse ou Lefébure. Le goût était tellement corrompu que Saint-Saëns succèdant à Lefébure-Wély à la Madeleine ne trouvait grâce ni devant le clergé ni devant les fidèles de la paroisse.

Aujourd’hui les choses ont bien changé. Grâce à Lemmens et à son école, grâce à l’excellente école du Conservatoire de Paris à la tête de laquelle ont été successivement César Franck, Ch. M. Widor et A. Guilmant (ce dernier est encore titulaire) toute une pléïade d’organistes virtuoses et compositeurs est née et se développe tous les jours.

Mais l’éducation du public est encore à faire, en partie du moins. Aussi applaudissons-nous avec plaisir à la tentative que va faire cet hiver notre excellent collègue, M. Daniel Fleuret, dans la salle d’orgue de la rue Childebert et ne pouvons-nous qu’engager nos lecteurs à suivre ses cours sur la Littérature de l’Orgue.

Un simple aperçu aussi bref que possible, prouvera amplement que la littérature de l’orgue est une des plus riches et par le nombre et par la qualité des compositeurs qui ont écrit pour le roi des instruments.

Le plus ancien compositeur pour orgue connu est Paumann (1410-1473), dont le manuscrit est à la bibliothèque de Munich. Nous avouons humblement ne pas connaître ses compositions et, si nous le citons, c’est pour montrer que la musique d’orgue est des plus anciennes.

Au xive siècle, mentionnons : en Allemagne, Schlick ; dans les Pays-Bas, Buns