REVUE MUSICALE DE LYON
Léon VALLAS
Directeur - Rédacteur en Chef
berlioz jugé par wagner
Si j’étais Beethoven, je dirais : « Si je n’étais Beethoven et si j’étais Français, je voudrais être Berlioz. »
Parlerai-je ainsi dans l’espoir d’être plus heureux ? Je ne le sais au juste, mais je le dirais cependant. — Chez ce Berlioz flamboie la jeunesse d’un grand homme ; ses symphonies sont les batailles et les victoires de Bonaparte en Italie. — Il vient d’être fait consul, il va devenir empereur, il va conquérir l’Allemagne et le monde. — Mais l’enverra-t-on à Sainte-Hélène ? Je l’ignore. — Je sais bien toutefois que, dans ce cas, on l’en ramènerait triomphalement. Berlioz est un grand général. De même que je ne puis me figurer les victoires de Bonaparte
qu’en me représentant clairement devant les yeux l’image du héros et en le mettant à la tête de la monstrueuse mêlée, versant à travers la masse mille pensées fulgurantes qui le dirigent, — de même je ne puis m’imaginer une symphonie de Berlioz sans le voir lui-même à la tête des exécutants.
Ces créations gigantesques, enfants des orages juvéniles d’un génie débordant, continueront de vivre lorsqu’un jour la France reconnaissante aura dressé un marbre fier sur la tombe de leur auteur ; mais, seule, la tradition pour leur donner, aux yeux de la postérité, la signification qu’elles avaient pour les contemporains, sous la direction du héros génial. Le