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absolument comme le Faust de Gounod en province.

Interprétation vocale excellente de la part de Mlle Marcella Pregi, de l’impeccable Cazeneuve ; M. Ballard, protagoniste habituel du rôle de Méphistophélès était remplacé par M. Daraux très goûté dans les passages en demi-teinte, dans le fameux air de « Voici des Roses », dans la sérénade, moins bon dans certains récitatifs auxquels un timbre de voix plus sec, plus saccadé me semblerait mieux approprié. Enfin M. Guillemot à la voix de basse très pure, à la diction très nette, s’est taillé un joli succès dans le rôle de Brander.

Les chœurs et plus particulièrement ceux d’hommes furent parfaits. Que dire de l’orchestre du Châtelet, qui n’ait été dit ? Hélas il a dû payer cher la gloire, car on a bissé la Marche Hongroise, la Valse des Sylphes et le Menuet des Follets, la Sérénade de Méphistophélès ; on aurait bissé tous les morceaux si on avait pu.

Edouard Millioz.

Nouvelles Diverses

À rapprocher des comptes rendus enthousiastes consacrés par une partie de la presse parisienne à Hérodiade de Massenet, le filet suivant extrait de la Semaine d’Anvers :

« Bien que l’on eût annoncé les seconds débuts du ténor Ansaldi dans Hérodiade, la scie à grand spectacle de Massenet, la dite scie, espèce d’adaptation grotesque de l’ancien orient juif à l’orient juif moderne qu’on exhibe dans les expositions universelles, n’avait pas du tout attiré le public. »

Nos étrangleurs de ténors vont fulminer !… Le ténor Dufriche — qui la saison passée eut à subir la mauvaise volonté de M. Mondaud et les coups de griffe d’une critique par trop nerveuse — triomphe en ce moment sur la scène de Bordeaux.

« Ce n’est que justice et les gens de goût, qui n’ont pu oublier le talent personnel de cet artiste dans les rôles de don José et surtout de Lohengrin — auquel il imprima une note artistique remarquable — se réjouiront de ce succès mérité que nous sommes heureux

de signaler. »
(Le Spectacle)

Faisant appel à ses souvenirs, le peintre Ziem, qui fut un intime de Chopin, raconte dans quelles circonstances vraiment étranges l’artiste composa sa marche funèbre.

Chopin était dans son cabinet de travail. Dans un angle se dressait le piano ; dans un autre coin un squelette humain revêtu d’un voile blanc. Je remarquai, dit Ziem, que le regard de Chopin errait, çà et là, et comme je le connaissais, je savais que sa pensée était loin de moi et de tout ce qui l’entourait. Mieux que cela, je savais qu’il composait. Tout à coup il se leva de sa place sans proférer une parole, se dirigea vers le squelette, le porta au piano et le prit sur ses genoux en s’asseyant devant l’instrument. Étrange représentation de la Vie et de la Mort ! L’artiste avait étendu le voile blanc sur lui et le squelette, placé les mains de celui-ci dans les siennes et commencé à jouer.

Aucune hésitation dans la lente et mesurée évocation des sons qui naissaient sous les doigts de l’artiste. Comme les sonorités devenaient plus puissantes, je fermais les yeux car le spectacle d’un homme assis au piano avec un squelette avait quelque chose d’effroyable. Les ombres du soir s’épaississaient autour d’eux et les ondes musicales secouaient l’air mystérieusement. Je savais que la composition que j’entendais était immortelle… Mais la musique cessa. J’ouvris les yeux… plus personne au clavier, Chopin gisait à terre, et, à côté de lui, le squelette brisé. Le grand compositeur était anéanti, mais sa marche était trouvée.

Le Théâtre de Bordeaux étudie les Maîtres Chanteurs de Nuremberg dont l’interprétation sera confiée à MM. Gibert, Séveillac, Boussa, Blancard, Hyacinthe (dans le rôle de David qu’il a créé à Lyon le 30 décembre 1896), Mmes Bourgeois et Blancard.

Il y a des métiers que l’on peut exercer sans les aimer, par nécessité simplement ; mais les arts, ceux qui les cultivent, le font généralement par amour.

Il paraît qu’il n’en était pas ainsi d’Auber, et que ce compositeur célèbre détestait la musique !

— L’amour-propre musical me manque, disait-il. Si j’en avais, j’aurais plus de talent.

Le fait est qu’il ne considérait la composition musicale que comme un moyen d’assurer son existence, ainsi que le démontre bien cette phrase qu’il écrivait à l’un de ses