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revue musicale de lyon

nos musiciens
jugés en allemagne

Comment certains journaux allemand apprécient les musiciens français :

Du Tag de Berlin sous la signature de Carl Crebs : « M. F. Busoni qui exposa publiquement l’hiver passé toute une galerie d’humoristes orchestraux involontaires, a, cette année aussi loué les « Philharmoniciens », pour nous divertir par toutes espèces d’instrumentations. Dans un Prélude de Vincent d’Indy, des pensées wagnériennes sont pensées une seconde fois. Le Prélude à l’Après midi d’un Faune de Claude de Bussy est difficile à décrire. Imaginez-vous, Mesdames et Messieurs, qu’un écolier ait par hasard mis la main sur une boite à couleurs, et qu’il passe son temps à jeter pêle-mêle, les plus brillantes de celles-ci sur une toile pour s’amuser de la vue des extraordinaires nuances produites par ce mélange ; et bien ce morceau est composé de taches de couleur orchestrale tout aussi étranges. Je n’ai pu y découvrir un sens musical quelconque.

« Les Djinns de César Franck sont munis d’une partie de piano. Le grand crescendo et le decrescendo du poème de Victor Hugo n’a pas du tout été atteint, si même il a été soupçonné. »

Les Signale de Leipzig dans leur correspondance de Berlin disent : « F. Busoni a donné encore un de ces fâcheux concerts d’orchestre d’œuvres nouvelles et rarement exécutées, pareils à ceux de la précédente saison d’épouvantable mémoire. Ces concerts produisent un effet peu sympathique parce qu’il n’y a pas là une objectivité mais bien un certain fanatisme de parti-pris, c’est ce qui leur a donné cette désagréable physionomie. Autant la fidélité aux principes est belle, autant est désagréable l’impression que produit l’obstination d’une tête à l’envers, et ceci d’autant plus qu’on est à se demander si à la bonne volonté s’allie un sain jugement esthétique ?

Cette fois M. Busoni nous arrivait « à la française » et essayait de nous gagner à la nouvelle école de ce pays. On supporterait peut-être cette musique spirituelle, instrumentée de façon piquante si elle nous était servie par petites doses, mais pendant la

moitié d’un concert c’est trop. L’organisateur n’a du reste pas atteint son but, car sur toute la ligne, les morts ont battu les vivants. Ces derniers étaient représenté par d’Indy et de De Bussy. La musique de d’Indy n’est pas de la musique, ce sont des bribes informes derrière lesquelles on doit se figurer qu’il existe quelque chose, mais où l’on ne découvre rien : c’est gonflé, prétentieux et vide de sens. De Bussy également, et malgré tous ses effets d’instrumentation et toutes ses grimaces d’orchestre, n’arrive qu’à des effets de sonorité ne produisant que des sensations extérieures… »

Si Wagner a été incompris et malmené en France pendant quelques années, les Allemands ne font pas toujours preuve d’une compréhension artistique plus grande.

correspondance de paris

grands concerts

Les fêtes en l’honneur du centenaire d’Hector Berlioz ont été inaugurées aujourd’hui par la 141e audition de la Damnation de Faust. Sur la scène on a érigé le buste du maître dauphinois entouré de drapeaux et de palmes vertes. M. Colonne plus fringant, plus fougueux, plus jeune que jamais, émoustillé peut-être par la présence du grand surintendant des Beaux-Arts, M. Chaumié, dirige la Marseillaise orchestrée par Berlioz. Tout le monde se lève, un peu plus on oublierait Berlioz, on est patriote ou on ne l’est pas. Quelques cris de « vive la République » se font entendre et chacun y va de sa petite larme.

C’est qu’elle est très bien, cette adaptation berliozienne. Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, les voix sont à découvert la plupart du temps, une vigoureuse orchestration ne vient que par intervalles accentuer le rythme et la couleur. La seconde strophe chantée au début, religieusement et doucement par le chœur d’hommes, puis se terminant par un crescendo dramatique et éclatant est vraiment émotionnante.

On me dispensera de donner mes impressions sur la Damnation ; tout le monde la connait, peu ou beaucoup. C’est en tout cas

à Paris l’œuvre populaire par excellence,