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chiffre qui n’a jamais été atteint par aucune autre œuvre. Encouragé par ce succès, M. Poncet annonça pour la saison 1891-1892, la création de Tannhæuser, qui n’avait pas été joué en France depuis 1861. À cette occasion les éditeurs Durand et Schænewerk publièrent, comme ils l’avaient fait pour les représentations de Lohengrin à l’Eden en 1887, une nouvelle édition de Tannhæuser. Cette nouvelle édition, définitive, à laquelle notre excellent confrère le Dr M. Mathieu consacra, dans l’Express du 25 novembre 1891, une étude très détaillée, est absolument conforme à la première représentation de 1861 et aussi aux exécutions qui eurent lieu dans l’été de 1891, à Bayreuth. L’ancienne édition, au contraire, indépendamment de sa mauvaise exécution typographique et des fautes grossières de gravure qui la déparaient, comportait les différentes modifications et coupures que Wagner dut faire subit à son œuvre après sa première apparition sur la scène de notre Académie nationale de musique.

Ces corrections plus ou moins heureuses avaient été, comme on le sait, suggérées à Wagner par des amateurs d’une compétence discutable et par les critiques passionnées qui s’élevèrent alors contre son œuvre. Cette dernière version, soi-disant corrigée, fut du reste pendant longtemps encore suivie dans la plupart des théâtres d’Allemagne.

Rappelons seulement les principales différences qui existent entre ces deux partitions : la bacchanale a été développée beaucoup, le duo de Tannhæuser et de Vénus remanié et le rôle de Vénus considérablement augmenté et écrit plus bas. Le concours des chanteurs a été très abrégé et aussi le prélude du troisième acte est un peu moins développé et quelques petits changements insignifiants ont été apportés à la fin de la scène entre Tannhæuser, Vénus et Wolfram.

Tannhæuser avait été annoncé dès le début de la saison 1891-1892 avec Tancrède de Rohan de Courcelles qui fut joué une seule fois en 1892-1893, le Cid de Massenet, joué en 1895-96 et le Roi l’a dit de Delibes joué en 1897-98 sous la direction Vizentini.

La création de Tannhæuser dut être reculée jusqu’à la fin de la saison. On avait engagé pour chanter le principal rôle, le ténor Jourdain, le créateur de Sigurd à la Monnaie de Bruxelles. Mais la direction craignait que cet artiste ne pût tenir ce rôle écrasant. Pourtant le succès qu’il remporta sur notre scène dans le rôle de Sigurd rassura M. Poncet et le 4 avril 1892, Tannhæuser fut enfin représenté.

Les rôles étaient ainsi distribués Tannhæuser, Jourdain ; Wolfram, Noté ; Le Landgrave, Bourgeois ; Biterolf, Huguet ; Elisabeth, Mlle Janssen ; Vénus, Mlle Doux.

Tout le monde se rappelle les incidents de cette soirée. Après bien des défaillances M. Jourdain fut pris d’une syncope pendant le récit de Rome du troisième acte et tomba sur la scène. Ce fut alors un tumulte effroyable ; le rideau fut baissé au milieu des cris de : « À bas Poncet », et le régisseur, après un entr’acte forcé, vint annoncer que la représentation serait terminée par le chœur des pèlerins. Le directeur fut violemment pris à partie à cette occasion ; du reste il était continuellement attaqué à cette époque et pourtant les Lyonnais lui doivent les plus intéressantes créations du nouveau répertoire : Esclarmonde, Lohengrin, Samson et Dalila, Werther, la Walkyrie, etc… L’ensemble de l’interprétation de Tannhäuser était intéressant avec Mlle Janssen très fêtée, et suffisant avec MM. Bourgeois et Noté et Mlle Doux. L’orchestre était excellent sous la direction de Luigini. Les décors peints par Le Goff étaient ceux que nous avons revus samedi et la représentation, en dehors de l’incident Jourdain, fut trouvée bonne par la Presse à