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revue musicale de lyon

Le Salut Public (Amaury) :

« Massenet et Delibes, Donizetti et Gounod y sont tour à tout mis à contribution avec une désinvolture éhontée ; Massenet surtout, qui est l’inspirateur et le modèle presque exclusif de la jeune école italienne, y est outrageusement pillé. Mais sous l’assemblage facile de cette mosaïque musicale n’apparaît même pas le travail patient ou la préoccupation artistique qui pourrait lui servir de circonstance atténuante.

« L’idée est pauvre et lamentablement banale, le procédé d’après lequel elle est mise en œuvre n’est ni d’un ordre, ni d’un mérite supérieur, et rien n’est plus insignifiant et plus grossier à la fois que l’orchestration relâchée, qui fait moins que de soutenir les banales mélodies de la voix, qui se contente le plus souvent de les accompagner de l’unisson servile des instruments.

« C’est donc, pour nous résumer, une œuvre hybride, puisqu’elle participe d’un double caractère, une œuvre médiocre, puisqu’elle n’atteste de la part de son auteur aucune personnalité, que cette Bohème dont on nous a donné hier, sans que le besoin s’en fût fait bien impérieusement sentir, la première représentation. »

Lyon Républicain (Raoul Cinoh).

« Comédie lyrique, dit l’affiche : vaudeville à musique serait plus exact, ou, mieux encore, salmigondis musical. Il y a de tout, en effet, dans la Bohème ; c’est une salade italienne où on pique, au hasard de la fourchette : des leitmotiv — car l’auteur a des prétentions tétralogiques — des pastiches de toutes sortes, des parodies à jet continu, qui vont de Siegfried et des Maîtres Chanteurs jusqu’aux Huguenots, à Faust, à l’Africaine… et aux Boites de Montmartre ; des tentatives symphoniques dont les efforts s’essoufflent vite et se réduisent le plus souvent en mélodrames de pantomime, et aussi de jolies phrases de mélodie séduisante, des unissons nombreux qui visent le vulgaire succès.

« On y trouve même… de la musique, et du Léoncavallo ! Tout cela, bien entendu, est arrangé avec beaucoup de chic ; mais, qui dit chic, dit « chiqué », et c’est en vain qu’on chercherait un autre mot pour résumer l’impression générale de l’œuvre.

« Pour l’inspiration du musicien, si elle ne brille pas toujours par l’originalité, elle est du moins de mélodie facile, et l’orchestre la commente avec une habileté qui peut passer pour de la maitrise. Mais pourquoi déchaîner

toute la meute des instruments en une aventure où suffiraient des joueurs de flûte, de guitares et de pianos — gredin de  ! toujours faux ! Pourquoi tout ce bruit et ce luxe d’orchestration ! M. Léoncavallo se parodierait-il lui-même ? On pourrait le croire. En tout cas, on ne sait jamais quand il est sincère, et même lorsqu’il a fini de rire on en est à se demander s’il ne plaisante pas encore. »

Moniteur Judiciaire (Léon Vallas).

« … Et, au point de vue musical, nous trouvons de tout également : des chansons burlesques, des valses chantées, de grands éclats à la Massenet, des leit-motive et surtout un grand nombre de réminiscences : thème du Feu, de la Tétralogie, représentatif de la gaité du Quartier-Latin ; thème de l’oiseau de Siegfried ; du Massenet à toutes les pages et même, Dieu me pardonne, une phrase entière que j’ai certainement lue jadis dans quelque sonate de Bach pour violon.

« Ce méli-mélo, surtout mélo, est, comme la plupart des œuvres de la nouvelle école italienne, orchestré à coups de poing. Les cordes se pâment, les arpèges des harpes ruissellent, les cuivres éclatent et tonitruent ; des phrases chantées longuement par les voix sont doublées par les hautbois, le cor anglais, les violoncelles ou les violons inlassablement. Le bruit s’arrête ; le bruit recommence : le compositeur veut montrer qu’il a quatre-vingt musiciens à sa disposition et le prouve de façon éclatante. »

L’Ouest-Artiste. — À propos de la reprise des Huguenots.

« Le vieil opéra craque de toutes parts. Chaque joue qui passe emporte dans l’oubli quelque chose de ce répertoire lyrique qui charma plusieurs générations, et fit l’admiration de notre jeunesse. Il y a beaucoup de mélancolie à assister à la déchéance irrémédiable et fatale d’œuvres que nous avons aimées et auquelles nous demandons vainement aujourd’hui de nous rendre les impressions qu’elles nous firent éprouver autrefois. »

Le Spectacle. — Au Conservatoire[1]

« Finis les concours d’admission au Conservatoire !

« La sentence officielle est venue séparer

le bon grain de l’ivraie !… Bien des espoirs
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