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revue musicale de lyon

endormie, au moment où soulevant le heaume il aperçoit la chevelure flottante. Le trouble l’envahit avant même qu’il ait enlevé la cuirasse. C’est alors seulement que la notion du sexe apparaîtra, traduite si subtilement par le thème de la peur. C’est qu’en effet Siegfried a vécu dans des conditions uniques, seul avec le Niebelung, courant les bois sans avoir jamais rencontré d’être humain. Il a pu rêver d’amour sentimental et c’est ainsi qu’il faut vraisemblablement traduire les Murmures de la Forêt, mais le concept de l’amour physique lui est totalement étranger, la révélation subite de la vie sexuelle produit en lui cette angoisse qui est la seule forme de la peur qu’il soit susceptible de ressentir. Il réveille Brünnhilde d’un baiser, et désormais n’a plus qu’un but, connaître jusqu’au bout cet horizon nouveau qui s’offre à lui, épuiser cette coupe dont les premières gouttes l’ont enivré. La résistance de Brünnhilde exaspère son désir. Son ardeur, son étreinte brûlante, allument le feu de la passion dans le cœur de la vierge. Nous avons noté déjà cette progression admirablement rendue de l’humanisation de la déesse. Lorsque gronde à l’orchestre le motif de Fafner les deux cœurs sont à l’unisson : le motif du Liebesentzückung nous fait présager nettement le résultat logique de cette scène : la Walkyrie devenue réellement, entièrement et absolument femme, le héros parvenu à la conquête promise. Le premier acte de la Goetterdammerung nous renseigne d’ailleurs pleinement à ce sujet.

(À suivre)
Edmond Locard

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réflexions musicales

DE LA SIMPLICITÉ

EN MUSIQUE
et de l’Architecture dans sa Composition

La saison s’ouvre, la saison est ouverte.

Et ces Messieurs, retour d’estivales villégiatures, verseuses d’un peu d’heureux oubli, ces messieurs les critiques de reprendre avec une ardeur toute rajeunie leur partie bien ancienne dans le grand concert des appréciations, des objections, des comparaisons, etc., etc. Ce grand concert se distingue des autres, d’ailleurs, en ce qu’il est essentiellement discordant : et c’est une précieuse consolation.

Il est cependant un sujet sur lequel ces messieurs se trouvent généralement d’accord, un point où sa cacophonie se mue en harmonie ; je veux dire la musique de la jeune école moderne. Que l’on en joue : immédiatement les discordances s’évanouissent et vous n’entendez plus qu’un unique et vaste refrain : « Ça manque de « simplicité, de naturel, de clarté ! c’est « maniéré, compliqué, difficile, incompréhensible ; « torturé, tiré, tiraillé !… » Bref, un véritable accord parfait. La difficulté est en effet le gros argument que l’on oppose aux jeunes et à leur musique, aussi bien aux d’Indy, aux Debussy ou (pour rester plus lyonnais) aux Witkowski et aux Neuville, qu’aux plus jeunes « jeunes » de moindre envergure. C’est la litanie à la mode, c’est même devenu un chapelet, voire un rosaire, insipide et monotone, que le public aime à dévider et dont les grains sont tous pareils : « Pas assez de simplicité ! »

Mais qu’est-ce donc que la simplicité