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— Cette musique n’est pas détestable ou exaspérante comme tant d’autres : elle n’existe pas… Il est regrettable que l’excellent orchestre de M. Flon ait perdu une soirée à accompagner la musique ( ?) de M. Thomas ; un piano mécanique aurait largement suffi (Moniteur Judiciaire.)

Qui pourrait se plaindre d’une si touchante unanimité ?…

Dans ses Feuilles volantes du « Lyon Républicain », notre spirituel confrère Raoul Cinoh, nous dit ses souvenirs sur le Grand-Théâtre au temps de ses débuts comme chroniqueur théâtral et nous annonce l’exécution très probable en fin de saison de la Tétralogie de R. Wagner.

Dans le Lyon Universitaire, notre collaborateur Fafner publie sur Salammbô un compte rendu spirituel et documenté comme du Willy des meilleurs jours.

CORRESPONDANCE DE PARIS

GRANDS CONCERTS

18 octobre.

Dès leur premier concert MM. Colonne et Chevillard ont sans ambages affirmé leur foi artistique le premier en Berlioz, le second en Wagner.

Je ne suis pas de ceux qui auront le courage de blâmer M. Chevillard d’avoir quelque peu déplacé l’objectif de la doctrine wagnérienne en donnant au concert des fragments plus ou moins importants des drames wagnériens. Outre que le distingué chef d’orchestre s’est depuis longtemps aperçu que le seul nom de Wagner attirait rue Blanche une foule immense de fidèles en la religion du Maître de Bayreuth, il faut songer d’autre part que beaucoup de gens en sont, comme je le suis moi-même à l’heure qu’il est, à attendre la représentation de la Tétralogie en totalité.

Le jour, prochain nous l’espérons, où les œuvres wagnériennes seront toutes au répertoire d’un ou de plusieurs théâtres lyriques parisiens, la question sera nettement posée, et il ne viendra plus à l’idée de personne, ce

me semble, de faire entendre au concert ce qu’on aura occasion d’entendre régulièrement à la scène.

Quant à Berlioz, il est et a toujours été particulièrement fêté au Châtelet. C’est un cliché, aussi exact que banal, de déclarer que M. Colonne est vraiment l’interprète idéal du grand maître français et on pourrait dire qu’il l’est autant par ses défauts que par ses qualités.

Cette fantaisie ultra-romantique, cette fougue un peu tapageuse parfois, ce besoin d’affirmer sa personnalité, d’une façon souvent indiscrète, à côté de celle du compositeur qu’il interprète, toutes caractéristiques de son talent énorme et incontestable de chef d’orchestre, alors qu’elles le desservent dans certaines œuvres classiques et même modernes, sont ici absolument à leur place. Et puis il me semble que Berlioz qui fut un musicien bien plus par son intuition géniale que par sa valeur technique ne pouvait que gagner à être complété par un homme de métier comme M. Colonne, à la dévotion subtile et avisée. Ceci, dit, je constate, en m’en réjouissant fort, l’énorme succès qu’a obtenu au concert du 18 octobre la Symphonie fantastique, ce fut du délire, notamment après l’exécution absolument étourdissante et même terrifiante de la Marche au Supplice. Peu vous importe que j’aie préféré dimanche dernier, comme toujours d’ailleurs, les trois premières parties : la première, Rêverie-Passion, tout imprégnée de cet amour fougueux encore plus que tendre qui devait posséder l’âme d’un ardent comme Berlioz ; la deuxième, le Bal que je n’ai jamais si bien entendue et comprise et dont l’effet fut extraordinaire, grâce à la façon échevelée et vertigineuse avec laquelle l’orchestre enleva le final, puis la Scène aux Champs, d’une saveur si fraîche et si douce au début, alors que le cœur de l’amant semble s’endormir au contact de la nature reposante et calme pour de nouveau frémir et s’abîmer dans la douleur et la rage tandis que le ciel devient livide à l’approche de l’orage et que bientôt la foudre fait trembler la terre.

J’ai dit l’impression profonde faite sur tout le public par la Marche au Supplice. L’exécution enfin de la Nuit de Sabbat, conception

d’une intellectualité étrange pour nos âmes