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cendré argent, avec ses touches presque insensibles de rose mourant… On me pardonnera ; il faut parfois, pour dire plus vite et faire mieux sentir, transposer les impressions auditives en notes visuelles.

Les deux premières parties sont donc imprégnées de cette mélancolie si spéciale à notre jeune école de musique, un seul peut-être excepté, cet être épris de rythme et de mouvement qu’est Albéric Magnard. Et encore, chez M. Witkowski, la mélancolie ne parle-t-elle pas seule : elle s’avive de lyrisme ; elle n’est pas morne et vague ; elle ne tient pas l’âme captive dans ces « serres d’ennui » qu’a chantées Maeterlinck, jardins de délicieux poisons. Non : c’est une sorte de tristesse mâle qui aspire à la vie ; et, parallèlement avec le travail technique parfait, cette chaleur concentrée, cette sensibilité vraie, font l’œuvre plus qu’intéressante, attachante et communicative.

Nouvelles Diverses

Le programme, des fêtes de Bayreuth pour 1904 est arrêté ainsi qu’il suit : Tannhaüser, 22 juillet, 1, 4, 12 et 19 août. — L’Anneau du Nibelung, 25 au 28 juillet : 14 au 17 août. — Parsifal, 23 et 31 juillet, 5, 7, 8, 11 et 20 août. – Il parait que Miss Isadora Duncan, la célèbre danseuse, qui vient de passer quatorze jours à Bayreuth sur une invitation de Mme Wagner, prendra part aux représentations de 1904. C’est dans Tannhaüser que l’on chercherait à utiliser ses talents. Il s’agit principalement de la scène du Vénusberg. Miss Duncan se rendrait à Athènes pour étudier au pays des Hellènes et d’Aphrodite les attitudes plastiques des danseuses d’après les vases antiques, puis elle reviendrait en Allemagne dans le courant de l’hiver.

D’autre part, nous apprenons que par suite d’une entente entre Mme Wagner et l’intendant von Possart, la Tétralogie sera représentée également l’été prochain à Munich.

— D’après un journal de Munich, M. Camille Saint-Saëns « se serait décidé à entreprendre un voyage musical en Allemagne » et devrait donner des concerts, à la fin d’octobre et au commencement de novembre, à Carlsruhe, à Strasbourg et à Wiesbaden. On annonce, d’autre part, que l’on organise dans cette dernière localité douze concerts symphoniques auxquels prendront part d’éminents solistes et de célèbres chefs d’orchestre. M. Saint-Saëns serait l’un de ces derniers et, de plus, se ferait entendre comme pianiste dans « sa nouvelle oeuvre, Africa, poème symphonique pour piano et orchestre ». Nous

reproduisons ces nouvelles sous toutes réserves. Quant à l’ouvrage intitulé Africa, c’est une fantaisie pour piano et orchestre. Il est connu depuis longtemps à Paris, notamment depuis l’audition qu’en a donnée Mme Marie Jaëll aux Concerts-Lamoureux, le 20 novembre 1892.

De l’avis général, les grandes fêtes musicales de Berlin organisées il y a quinze jours pour l’inauguration du monument de Wagner, ont été très peu intéressantes. Tout d’abord le monument lui-même a été très critiqué.

Chacun savait ce que l’on devait attendre du sculpteur. M. Leichner, l’organisateur des fêtes, ne l’ignorait pas, lui qui avait longtemps auparavant, dans un banquet, prononcé ces paroles : « L’artiste frère en art de Wagner n’a pas encore été trouvé ». Les figures placées autour du piédestal ont été jugées peu heureuses. Wolfram d’Eschenbach a une pose de convention : à droite git Tannhaüser accablé, à gauche Kriemhild avec le cadavre de Siegfried, sorte de pietà peu héroïque et plutôt sensuelle. Kriemhild, c’est la belle des belles, qui dit à sa mère Uta : « Je veux vivre à jamais sans l’amour des héros. » Nous sommes, avec Kriemhild, dans l’épopée primitive des Nibelungen, plus près peut-être de Sigurd que de Siegfried. Quant à Wagner, il est assis sur un piédestal romain (pourquoi romain ?). Sa tête trop élevée, la tenue de ses mains et le mouvement de ses doigts, enfin toute son attitude ont été critiquées. « Pas un seul moment on ne se croit en face de Wagner. »

Le 2 octobre, sans attendre la fin des fêtes, le Kronprinz et le prince Eitel-Frédéric, son frère, partaient pour les bains de Kreut (Tyrol). Les concerts et représentations théâtrales se sont succédé dans l’ordre indiqué. Les programmes ont été déclarés sans signification et l’on a dit que le défilé des chefs d’orchestre « internationaux », exhibant chacun un ouvrage de son pays, « avait atteint le point culminant du mauvais goût. » Les discours prononcés en différentes occasions n’ont pas été non plus épargnés. Le ministre des cultes de Prusse, M. Studt, « parle sur Wagner, a-t-on dit, et sur la puissance d’entraînement de la musique sur le peuple, dans le style de M. Loubet (sic) ». Naturellement, M. Leichner est le plus maltraité. On lui reproche d’avoir voulu « amalgamer la Fettpuder

(poudre grasse), dont sa maison de parfumerie