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noirs, et qui résume les voyages entrepris par Specke et Grant pour trouver les sources du Nil. Ce chapitre fourmille de détails saisissants sur les peuplades indigènes du Centrer-Afrique, présentés par l’auteur avec une humour presque britannique. Il est seulement fâcheux qu’il n’y soit pas dit un mot ni de notre héroïque compatriote Le Saint, parti dans le même but que les explorateurs anglais et qui a trouvé la mort presqu’au début de son expédition, ni de M. Baker et de sa courageuse épouse, les véritables inventeurs de l’Albert Nyanza où viennent s*épancher les sources multiples du Nil, dont le Victoria Nyanza de Speke est le second déversoir. M. Baker donne sur les Sultans noirs des renseignements au moins aussi intéressants que ceux de Speke et je ne puis résister à la tentation de reproduire un fait qui prouve que les despotes ne sont pas aussi sauvages qu’on pourrait le supposer.

M. Baker cherchait, un jour, à faire comprendre à Commoro, roi des Latoukas, le dogme chrétien de l’immortalité de l’âme. « Je fis, avec mon doigt, dit Baker, un petit trou dans le sol, et j’y plaçai une graine. — Ceci, lui dis-je, c’est toi après la mort. — Puis, la recouvrant de terre, je continuai : Cette graine pourrira, mais il en naîtra une plante qui aura toute l’apparence de la forme originelle. — Juste ! me répondit Commoro, cela je le comprends. Mais la graine, elle ne surgit pas de nouveau ; elle pourrit comme l’homme mort, et il n’en est plus question. Le fruit obtenu n’est pas la graine même que nous avons enterrée, mais le produit de cette graine. Ainsi en est-il de l’homme. Je meurs, je pourris, et de moi il ne reste plus rien ; mais mes enfants poussent comme le fruit de la graine. Certains hommes n’ont pas d’enfants, comme certaines graines périssent sans rien produire. Nous finissons donc tous complètement, en mourant. » — Un matérialiste européen n’eût pas mieux parlé.

En somme, le nouvel ouvrage de M. Emmanuel Gonzalès est bien conduit et élégamment écrit. Naturellement, les enseignements qu’il donne sont un peu écourtés, en raison même de son travail de synthèse. Aussi, en fait de voyages, conseillerai-je aux curieux de faire celui de la libraire Hachette, et d’y choisir quelques-uns de ses livres, si judicieusement choisis, quant aux relations, et si magnifiquement édités, qu’on doute vraiment si l’illustration illustre le texte, ou le texte l’illustration.

HtpPOLYTI VATTIMAtB.

Alphomsb de Calonne.

Paria. — Imprimeria de DUBUISSON et C«, rue Coq H< ;rua. 1^ ^^