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leurs découvertes et leurs lumières, pour établir que les mondes sont habités.

D’abord il invoque l’histoire, dans laquelle il trouve en faveur de cette opinion une tradition imposante, non sans doute celle du peuple, mais celle des grands esprits ; non celle qui s’exprime par la croyance vulgaire, mais celle qui s’exprime par la pensée persévérante des philosophes et qu’on aperçoit à distance comme la trace lumineuse d’un flambeau. Cette manière d’opposer dès le début tradition à tradition, celle des hommes qui pensent à celle des hommes qui ne pensent pas, est une tactique habile ; nous lui devons un premier livre historique fort intéressant, qui ne prouve pas, qui prépare la preuve. Au second livre, nous voici dans les mondes planétaires ; une étude comparative sur les planètes nous y montre les diverses conditions d’habitabilité, quantités de chaleur et de lumière, nombre et rôle des satellites, atmosphères qui enveloppent les mondes, leurs densités, les poids des corps à leur surface ; à cette étude en succède une autre plus curieuse encore sur la physiologie générale des êtres, on y voit combien la terre même offre de différences dans les conditions de la vie réelle, combien les planètes offrent de ressemblances dans les conditions de la vie possible, admirable variété de la vie en un même monde, non moins admirable unité de la vie en des mondes si divers ; variété dans l’unité, unité dans la variété, solidarité harmonieuse. La terre n’occupe ni le premier ni le dernier rang dans l’habitabilité non plus que dans le reste ; de quel droit, à quel titre veut-elle être une exception ? De la terre et du système solaire, M. Flammarion s’élance jusque dans les cieux, jusque dans les cieux des cieux, jusque dans l’infini ; partout règne la vie, les humanités des autres mondes et l’humanité de la terre ne sont pas plusieurs humanités, mais une seule qui habite l’univers ; l’homme et le citoyen du ciel.

Il faut lire les chapitres où l’auteur établit, avec une verve, une abondance, un éclat dignes de la noble cause qu’il soutient, la parenté universelle des êtres, tous frères par la raison qui leur est commune, « Il y a des principes absolus de justice et de vérité qui sont en Dieu, souverain créateur. Ce sont ces principes qui constituent l’unité morale du monde ; ce sont eux qui relient harmoniquement tous les esprits à l’esprit suprême. Sur les mondes où ils sont en honneur et règnent sans partage, l’humanité a laborieusement parcouru l’immense série des épreuves ; elle s’est affranchie de toutes les influences de la matière, elle s’est approchée de la perfection dernière, et resplendit au sein de l’auréole divine. Là rayonne une nature toute belle, une vie sans ombre, un peuple sans tache ; là repose l’esprit de Dieu, enveloppant tous les êtres, comme la pure lumière qui tombe du ciel oriental. Sur les mondes moins élevés, ces principes de justice et de vérité ne règnent pas encore en souverains… » Et ailleurs : « Nous êtes-vous aussi étrangères que nous le pensons, ô lointaines humanités, qui suivez avec nous les chemins variés du ciel ? Ne parcourez-vous pas un cycle de destinées Semblable à celui que nous parcourons ici-bas ; n’êtes-vous pas entraînées vers le même but, n’allons-nous pas ensemble à la même fin ? Répondez, ô populations inconnues, savez-vous