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REVUE CRITIQUE

La pluralité des Mondes habités, par M. Camille Flammarion, in-8o. Paris, Didier et Cie.

Quand, par une claire nuit, on lève les yeux vers le ciel étoile ; quand, frappé de la douce et touchante magnificence du spectacle qui s’offre aux regards, on songe que ces astres sont des soleils semblables à celui qui fait le jour pour nous, centres de systèmes planétaires semblables au nôtre, il est impossible que la raison ne se demande pas ce que veulent tous ces mondes perdus dans les lointaines profondeurs : immenses déserts errants dans l’espace immense, sous l’impulsion et comme sous le souffle de forces aussi aveugles que régulières, aussi vaines que grandioses, soumises à d’immuables lois dont la majesté ne se développe que pour le vide éternel ? Ou plutôt mondes habités, cités peuplées d’êtres vivants comme nous, demeures entre lesquelles se divise et se distribue la grande famille des êtres, étapes successives peut-être que tous les êtres doivent parcourir tour à tour en un voyage sans fin, ou en un voyage qui prend sa fin dans le ciel suprême et se termine à Dieu ? Les planètes qui relèvent de notre soleil sont-elles des terres stériles, ou des séjours d’humanités sœurs de la nôtre ? N’y a-t-il qu’une humanité, vivant misérablement, mais avec l’espérance d’une fin divine immédiate, qu’une épreuve unique suffit à lui faire atteindre ou à lui faire perdre pour jamais à la surface de l’un des moindres d’entre ces globes, molécules dont se compose l’univers ; ou n’y a-t-il pas plutôt un grand nombre d’humanités, chacune avec sa destinée, mais liée aux destinées de toutes les autres, formant ensemble des familles, ces familles des races, ces races des nations, ces nations une patrie qui est l’univers ?

Tant que les hommes ignorèrent l’univers, tant qu’ils crurent, sur le trompeur témoignage des apparences sensibles, que la terre qu’ils habitaient était le centre immobile du monde, ils durent croire que le soleil, que la lune et les astres n’étaient faits que pour eux, tournant complaisamment autour d’eux pour éclairer leurs jours, pour embellir leurs nuits. Depuis que le soleil ne tourne plus autour de la terre, mais la terre autour du soleil, accompagnée d’autres terres, quelques-unes plus petites, la plupart plus grandes qu’elle, qui accomplissent le même voyage autour du même astre, toutes ensemble faisant cortège à l’astre-roi pour un autre voyage dans l’inconnu ; depuis que les étoiles ne sont plus des flambeaux