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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. aventureux et moins héroïque. Il a parcouru une contrée où bien d'autres sont allés avant lui; il n'en a pas moins composé un livre original, parce qu'il l'a très fortement marqué de son individualité. Mettez vingt paysagistes de talent en face d'une scène de la nature, ils vous donneront, chacun, un tableau différent, quoique fidèle. Il en est ainsi des voyageurs; qu'un homme d'esprit parcoure la Suisse, terre banale qui a reçu tant de sots hom- mages, il en rapportera une description qui ne ressemblera en rien à aucune de celles faites au- paravant. M. Cortambert appartient au genre faitaisiste et pittoresque; il se rapproche de la manière du peintre Biard dont le voyage au Brésil est la chose la plus divertissante et la plus spirituelle qui se puisse imaginer. Cependant, si la forme chez M. Cortambert est légère, le fond est très sérieux. Il est arrivé en Syrie quelque temps après les af- freux massacres qui ont désolé ce pays, il nous trace en traits énergiques la physionomie des ac- teurs de ce drame sinistre. Les Maronites sont ac- tuellement un petit peuple bien digne de nous in- téresser par ses mœurs laborieuses et douces, ses vertus de famille et sa foi religieuse. Vivant au mi- lieu d'ennemis qui ne songent qu'à les anéantir, ils ne subsistent que par la protection de la France; aussi ont-ils pour elle une réconnaissance naive et profonde; la France leur semble l'image visible de la Providence. Dans leur misère, ils ont eu du moins ce bonheur exceptionnel, que notre amitié ne s'est jamais démentie et ne leur a jamais été inefficace. Les Druses, malgré leur humeur féroce, ne se montrent pas dépourvus de toute qualité ; ils sont hospitaliers, patients et très braves. M. Cor- tambert ne désespère pas de les amener par degrés à un certain elat de civilisation. C'est pour les Turcs qu'il réserve toute sa haine et toute sa co- lère; leur lâche décrépitude lui parait sans re- mède; à ses yeux, il n'est d'autre solution de la fa- meuse et interminable question d'orient, que l'expulsion définitive de ces conquérants dont l'inepte domination n'a fait pendant quatre cents ans que des ruines autour d'elle. L'auteur mèle à ses reflexions quelques épisodes empruntés aux derniers événements; ces épisodes, vivement ra- contés, sont pathétiques et saisissants. Enfin, de fraiches et poetiques descriptions de cette belle terre d'Orient qui exerce une si grande fascination sur ceux qui l'ont visitée, délassent l'esprit fatigué du sombre spectacle des plus mauvaises passions humaines. Tel est le livre de M. Richard Cortam- bert. C'est un heureux début où brillent la verve, la bonne humeur et les sentiments genéreux de la jeutesse; M. Cortambert est un agreable compa- gnon de voyage, et nous sommes prets à le sui- vre une seconde fois dans le pays, quel qu'il puisse étre, où il lui plaira de nous conduire. A. T. 134 noult, on reconnaît un témoin des faits qu'il ra- conte, ou un historien qui les a recueillis de l'a bouche des acteurs eux-mêmes. Aussi. son émotion est-elle communicative; et dans la lutte héroïque des Polonais contre ceux auxquels le sort les a asservis, les cruautés et les barbaries des vain- queurs sont tellement révoltantes que l'on serait plus d'une fois tenté de s'arracher à cette doulou- reuse lecture, si l'on n'était retenu par l'admira- tion qu'inspire le courage invincible des victimes. En face d'un ennemi dix fois plus nombreux, exercé à la discipline et muni d'une artillerie puis- sante, la bravoure des Polonais, qui n'avaient or- dinairement d'autres armes que des faux, a accom- pli des prodiges. Le plus souvent, ils succombaient dans ces combats inégaux en vendant chèrement leur vie. Si quelques-uns, plus malheureux, sur- vivaient et étaient faits prisonniers, il n'était pas de supplice qui pùt arracher une plainte à leur se- reine résignation. La Guerre de Pologne en 1863, par M. Eugène D'ARNOULT, 1 vol. in-12. Paris, Faure. 1864. A la chaleur qui pénètre les récits de M. d'Ar- Dans ce martyrologe de la Pologne, la part des femmes n'a pas été la moins belle. Ce sont elles qui soutenaient le courage de leurs frères, de leurs amants, de leurs époux, et les poussaient au sacrifice. Ce sont elles qui pansaient les blessés, et qui, déguisées en hommes, prenaient le mousquet et partaient comme volontaires ou jouaient le rôle d'espions au milieu de fatigues et de périls sans nombre. Il en est plusieurs qui rappellent la gran- deur d'âme des mères spartiates ou romaines. Comme partout où se livre dans le monde un combat pour une cause généreuse, on trouve des Français, M. d'Arnoult nous montre, dans ses ré- cits, plusieurs de nos compatriotes, qui étaient venus pour mettre leurs bras au service de la Pologne. Leur bonne humeur et leur galté inalté- rables reposent un instant le lecteur au milieu de cette longue série de scènes lugubres. E. J. La Question de Cochinchine, au point de vue des intérets français, par M. G. ABEL. Paris, Chal- lamel. L'auteur de cette brochure, témoin oculaire des événements accomplis depuis 1858. réclame avec une grande force de logique et de raison le main- tien de la domination française dans les trois pro- vinces de basse Cochinchine. Ce maintien importe, suivant lui, à l'intérêt bien entendu autant qu'à l'honneur de la France. Serrant de près la consi- dération d'intérêt matériel, sur laquelle insistent principalement les adversaires de son système, il demontre par des chiffres que les frais inévitables d'une « Cochinchine-comptoir, » entretien de trou- pes, traitements de fonctionnaires, etc., seraient presque égaux à ceux que nécessite la « Cochin- chine-colonie; » que cette occupation restreinte serait même plus coûteuse par le fait, puisqu'elle tarirait pour nous des sources de revenu déjà im- portantes, et susceptibles de le devenir bientôt da- vantage. Il insiste energiquement, et avec raison, sur le fâcheux effet moral d'une rerulade sembla- Digitized by Google 1 1