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AMOURS D’UNE HEURE



Prosper Duval avait découvert, à vingt et un ans, que le plus terrible ennemi de l’homme est la femme. Ce n’est pas qu’il faille voir en lui un de ces vieillards précoces, qui ont dépensé leur vie en prodigues, et qui, à peine au sortir de l’adolescence, n’ayant eu ni jeunesse ni âge viril, sont parvenus à la décrépitude et semblent déjà se pencher vers la tombe. Il était, au contraire, extrêmement jeune, et n’avait perdu ni un cheveu ni une illusion. Tout dans le monde l’intéressait, tout lui semblait merveille et nouveauté. Il sortait du collège, et, pareil à ce souriceau tout jeune et qui n’avait rien vu il s’en allait trottant par la ville, prenant la moindre taupinée pour le Caucase, et une jolie femme pour un démon.

Il n’était donc rien moins que blasé sur l’amour et ses voluptés. Peut-être même ne les connaissait-il que par la renommée : c’était, du moins, l’opinion de ses amis, qui lui disaient à l’envi leurs bonnes fortunes, et le raillaient de n’avoir jamais rien de pareil à leur conter. Mais il n’avait point été élevé à la française ; il s’était formé lui-même à l’école des stoïciens antiques, et la tyrannie de l’opinion régnante ne l’inquiétait guère ; «aussi avait-il des idées particulières. L’amour ét^t à ses yeux une faiblesse, et il ne pensait pas qu’on fût tenu d’être faible. D’un sang ardent, d’un tempérament bouillant et impétueux, il savait par expérience qu’il faut parfois un fier courage pour éteindre ces incendies terribles qu’allume une étincelle. Loin de rougir, comme tant d’autres, d’être resté si longtemps maître de son cœur, il s’en estimait davantage et se croyait un héros.