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tions, toutes les nuances de l’Être, mais d’une manière toute spirituelle et parfaite. Dès lors, il n’a de limites aucune part, d’aucun côté. Il n’a de défaillance, de défaut dans aucune de ses manières d’être, dans aucun de ses attributs et de ses perfections, comme il ne l’a pas dans son être, et il est sage sans limites, puissant sans limites, juste et bon sans limites il est infini en tout. L’Être absolu et l’Infini sont synonymes. Il est le non plus ultra de la perfection, la réunion, le comble de toute perfection ; il est l’Être infiniment parfait et parfaitement infini.

Enfin, d’après cette étonnante parole : « Je suis, qui suis, » Dieu est l’Être à lui seul, le principe, la raison, la cause, la source de tout être, pouvant réaliser tout être hors de lui par la fécondité infinie de son être, sans lui communiquer rien de sa substance, rien n’existant que de lui et par lui, et Lui, donnant l’être à tout ce qui est. Dieu est l’être qu’aucune création ne fatigue, qu’aucune opération ne dérange, qu’aucune difficulté n’arrête, qu’aucun événement n’altère, et restant toujours, après mille créations, dans toute l’intégrité infinie de son être, restant ce qu’il est, l’Être souverain, l’Être infini, l’être parfait, le seul être existant, parfaitement existant en lui-même, l’être lui-même, Ego sum, qui sum. De sorte qu’on ne saurait rien dire de Dieu, de plus grand, de plus sublime, de plus magnifique, de plus parfait que cette parole : « Il est. » En disant : « Il est ! » tout est dit. Après avoir dit qu’il est, il ne reste plus rien à dire.

Or, il est vrai que l’homme a l’idée de l’être. C’est cette idée qui est la base de son intelligence, de sa raison, de son langage, et parler n’est qu’affirmer ou nier les différentes nuances, les états différens de l’être. Tout le langage de l’homme est dans le verbe. Point de discours sans verbe, et le verbe n’est que l’idée de l’Être. Mais cette idée de l’être, sans laquelle il n’y a ni raison ni parole, l’homme ne l’a que par voie de concession, de grâce, d’emprunt. C’est le reflet de l’intelligence divine dans son intelligence[1]. Esprit fini, n’ayant pas l’idée de l’être en lui-même, par lui-même, il ne peut concevoir l’être d’une manière absolue ; il n’en peut pas saisir toute la portée infinie. Il n’a pas pu renfermer tout l’Être infini dans un mot ; il n’a pas pu inventer cette immense parole, cette parole infiniment parfaite comme le Dieu qui l’a prononcée. Je défie tous les philosophes d’oser affirmer sérieusement que cette parole a pu sortir de l’intelligence de l’homme. Non, aucune intelligence créée ne pouvait s’élever si haut pour comprendre et dire que « Dieu est l’Être, et que l’Être est Dieu. »

Nous connaissons toutes les définitions que l’homme a données de Dieu sans avoir consulté Dieu lui-même. Ce sont des circonlocutions, des périphrases, qui disent plutôt ce que Dieu n’est pas que ce que Dieu est. Cette formule algébrique renfermant dans un mot l’idée la plus vraie, la plus complète de l’Être infini ; cette définition, à laquelle on ne saurait rien ajouter sans l’obscurcir, sans l’amoindrir, la circonscrire, l’humaniser, la dégrader au lieu de la rendre plus imposante et

  1. Intellectus agens est participatio luminis divini. (Saint-Thomas)