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savant, l’homme d’art, l’historien, qui portent cette source féconde du spiritualisme chrétien dans les hauteurs de leur entendement, en voient descendre, même à leur insu, des eaux fraiches et pures qui vivifient, rassérènent et fécondent toutes leurs pensées, et parfument leurs œuvres de cet arôme divin qui est la vie des âmes. Aussi, grâce à eux, les intelligences qui les entourent et auxquelles ils donnent l’aliment dont elles ont besoin s’épurent, les cœurs s’agrandissent, les esprits s’ouvrent aux généreuses pensées, aux sublimes inspirations, les caractères se retrempent et les têtes se redressent. On n’avait cru faire que de la philosophie, de l’histoire, de la littérature, de l’art ; on a fait des hommes. Le spiritualisme chrétien passe des idées dans les actes, semblable à l’âme qui règle les mouvemens du corps, et c’est ainsi qu’en restant en dehors du domaine des faits, on a payé sa dette à la société où l’on est né, et bien mérité de l’humanité comme de son pays.

Voilà le genre d’influence qu’il nous semble utile d’exercer sur les idées ; mais, pour atteindre ce but, ce n’est pas trop de toutes les forces unies de la tribu intellectuelle de notre époque, mettant au service de ce mouvement tous les moyens d’action dont elle dispose. Il faut donc abattre toutes les barrières qui ont pu, dans le passé, séparer des esprits faits pour s’entendre, et qui s’entendent du moment que le spiritualisme chrétien est la source d’inspirations communes où ils puisent. Ces clôtures et ces compartimens ne sont plus de mise ; débris d’un passé qui n’est plus, ils doivent disparaitre avec les circonstances qui étaient leur raison d’être. De tous ces quartiers intellectuels, il faut faire une ville, une grande ville ; parlons plus exactement, de tous ces ruisseaux un grand fleuve, qui, en se jetant dans les eaux stagnantes, produise un de ces courants irrésistibles qui les purifient en leur donnant cours. Ce n’est point là l’œuvre de quelques-uns seulement, c’est l’œuvre de tous. Elle n’appartient pas plus à ceux-ci qu’à ceux-là ; elle appartient également à tous ceux qui voudront l’entreprendre. C’est le devoir universel de ceux qui écrivent, la dette commune des intelligences contemporaines en- vers la civilisation française, ce trésor que nous avons reçu de nos pères, et que nous devons laisser agrandi et enrichi à nos descendants.

Nous ne disons pas assez. La littérature française a un grand et quelquefois bien un terrible privilége. Certes nous n’avons pas la