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a commencé pour quelques-uns des écrivains de la littérature contemporaine qui, devançant la tribu intellectuelle de leur époque, sont allés rendre le compte que nous rendrons tous un jour à ce roi des intelligences qui demande selon ce qu’il a donné. La plupart vivent encore cependant, et sont en possession de leur renommée. Il ne faut ni attrister des tombeaux, ni affliger, par des souvenirs amers, des hommes qu’il vaut mieux convier à rendre à la cause des idées justes, grandes, généreuses et vraies, les services qu’ils peuvent si bien lui rendre. Cette génération a traversé des jours difficiles et troublés. Qui voudra jeter la première pierre, devra descendre au fond de lui-même, et se demander si, dans les situations si diverses qui se sont succédé, dans cette polémique ardente, passionnée de tous les sentimens contraires, de toutes les idées, de tous les principes, son intelligence n’a jamais failli. On sait qu’après la Fronde politique, Turenne se repentit par des victoires ; s’il y a eu des Turennes fourvoyés dans la Fronde intellectuelle de notre temps, ne peuvent-ils pas se repentir par des chefs-d’œuvre ?

Que ce soit enfin un acte de réparation ou seulement une dette, peu importe, puisque le devoir existe. Ce qui importe, ce n’est pas de récriminer contre le passé, c’est de préparer l’avenir en élevant le niveau des intelligences et des cœurs. Or, il n’y a qu’un moyen d’arriver à ce but. Bacon a dit excellemment : « La religion est l’arôme qui empêche la science de se corrompre. » Le mot est profond et la maxime est vraie dans toutes les branches des connaissances humaines. Quand cet arôme divin s’évapore, la corruption pénètre. Il importe donc que tous ceux qui veulent rendre les idées à leur noblesse, pour les rendre à leur mission, s’unissent dans une même pensée. Le spiritualisme chrétien, qui élève tout ce qu’il touche, consacre la philosophie, inspire et vivifie l’art, purifie et anoblit les lettres, agrandit et éclaire la mission de l’histoire, ouvre les ailes de la science, voilà l’arôme qu’il faut rendre aux idées.

Voilà le symbole que tout le monde peut reconnaître ; c’est comme une grande âme qui est la vie commune des intelligences. Partout où elle est, on la sent, et là même où on ne l’aperçoit pas, on reconnait sa présence aux parfums et à la saveur des œuvres qu’elle inspire, comme on reconnaît Dieu à l’empreinte ineffaçable qu’il laisse sur ses ouvrages. Le philosophe, le poète, le