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ne saurait appeler trop de lumière et de clarté. D’abord, comme, grâce à un sentiment fort respectable, il est presque aussi fier de son pére que de ses ouvrages, peu s’en faut que, dans ses premiers récits, la figure de Napoléon ne s’amoindrisse et ne s’efface derrière celle du général Dumas Davy de la Pailleterie. Ce n’est pas là ce que nous appellerons un redressement historique ; mais cette préoccupation filiale a amené dans les appréciations de l’auteur d’étranges disparates et des contradictions instructives. Tantôt Napoléon est un géant, un héros, un Titan dont rien ne saurait égaler l’épique grandeur ; quelques pages plus loin, il est ingrat, envieux, il a toutes les petitesses des cœurs vulgaires et des génies incomplets. Le plus beau fleuron de la couronne guerrière de Bonaparte, c’est assurément la campagne d’Italie, lisez M. Dumas, ét il ne tiendra pas à lui que le plus grand honneur n’en revienne à son père. Sans le général Dumas, l’armée n’aurait jamais maintenu telle position, franchi tel passage ; elle aurait été infailliblement arrêtée par ce fleuve, par ce rocher, par ces neiges. Toui cela est possible, mais on n’en fait pas moins de sérieuses réflexions sur ce graud mensonge humain que lon nomme la gloire, et l’on se demande s’il ne conviendrait pas d’appliquer aux généraux ce qu’Horace dit des livres : habent sua fata

Les étourderies de M. Dumas sont encore plus précieuses à propos des Cent-Jours. Bien souvent, nous l’avouons, nos cœurs avaient éprouvé un vague sentiment de surprise, en songeant à la promptitude prodigieuse avec laquelle la France s’était de nouveau détachée des princes qui venaient lui rendre la prospérité et la paix. Nous ne pouvions expliquer l’énigme contenue dans cette page de notre histoire. Cet oubli de la pensée de la veille, ces anathèmes changés tout à coup en hymnes d’enthousiasme et d’amour, ces cris de joie et d’espérance s’éteignant si vite dans l’indifférence et le dédain, ce vieux roi reprenant le chemin de l’exil pendant que l’aigle, dans son vol rapide, remontait, de clocher en clocher, de Fréjus à Paris, tout cela confondait notre raison. M. Dumas nous l’explique sans le vouloir. Il y avait dans ce moment-là deux Frances : la France bourgeoise, civile, agricole, qui demandait du repos, et la France militaire, qui redemandait des batailles. La France militaire opprima l’autre, voilà tout.

Ce qui n’est pas moins piquant sous la plume de M. Alexandre Dumas, c’est le récit des conspirations qui éclatèrent de 1815 à 1821. M. Dumas parle des complots, du carbonarisme et des ventes, avec toute la légèreté d’un homme que n’auraient pas instruit les épreuves de ces dernières années, et qui en serait encore aux tabatières à la Charte et au Voltaire-Touquet. Il lui semble très-naturel ou plutôt très-patriotique et très-honorable que, sous un gouvernement tutélaire qui travaille à cicatriser les plaies de la patrie, des députés, des magistrats, des militaires, se soient constitués en conjuration permanente, déclarant une guerre implacable à tous ces éléments d’autorité qui sont, à proprement parler, les éléments mêmes de la vie sociale. Ils étaient tous d’accord sur un point, nous dit tranquillement M. Dumas : renverser les Bourbons. — Et ensuite ? — Ensuite on verrait, on