Page:Revue Contemporaine, serie 1, tome 1, 1852.djvu/12

Cette page n’a pas encore été corrigée
12

Nous ne voulons point faire le procès à la littérature contemporaine, qui peut d’ailleurs se parer de nobles esprits et de beaux travaux dans plus d’un genre ; en aurions-nous la volonté, ce n’est pas ici le lieu ; c’est à chacun de voir si, dans chacune des branches des connaissances, on a fait tout ce qu’on pouvait, tout ce qu’on devait faire. La philosophie a-t-elle toujours respecté la religion, sa sœur aînée ? En visitant les assises sociales, ne les aurait-elles point ébranlées ? ne se serait-elle point livrée à l’esprit de système, et n’aurait-t-elle pas un peu trop voyagé au pays d’Utopie ? L’histoire, cette maîtresse d’enseignements, n’aurait-elle pas, dans plus d’un livre, un peu trop frayé avec la politique du moment, en se rendant complice des passions du présent, au lieu de rester le juge inflexible de celles du passé, et n’aurait-elle point travaillé à établir une école de mépris contre les gouvernemens, au lieu de fonder une école de respect en montrant, à travers les vicissitudes des nations, l’union nécessaire des idées de liberté et d’autorité ? Les souvenirs de tous sont présents, et ce sont des questions que nous aimons mieux laisser à juger que de les juger nous-mêmes. Les lettres et les arts, enfin, ont-ils toujours travaillé à élever les âmes ? Leur action, dans la société, a-t-elle été nuisible ou bienfaisante ? Ont-ils armé les intelligences et les cœurs pour les mauvais jours, ou, comme Armide entraînant Renaud dans ses jardins magiques, ne les ont-ils pas désarmés ?

Les livres sont là ; ce n’est pas d’une histoire lointaine qu’il s’agit, c’est de l’histoire d’hier. Les échos du théâtre répètent encore les derniers sons de ces drames et de ces comédies, qui ont été l’aliment de notre génération. Les chaires du haut desquelles l’enseignement le plus suivi descendait ne sont que depuis bien peu de temps muettes. Enfin, qui n’a encore présente à l’esprit toute cette littérature qui, semblable aux prodigues, dépensant à la fois leur capital et leurs revenus, inondait de ses productions souvent mal digérées et d’une moralité suspecte le bas des journaux, en courtisant la vogue, cette servante effrontée de la gloire, dont se contentent les intelligences faciles qui, avec de l’énergie et de la patience, arriveraient à de plus nobles et de plus durables succès ?

Encore une fois, nous posons ces questions sans les résoudre. C’est un sujet de réflexions sérieuses que nous indiquons, et non un procès que nous veuillons instruire. Déjà l’histoire