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L A

DERNIÈRE CHANSON

SCÈNES DU MACONNAIS

« DEUXIÈME PARTIB® ?

X

De toutes les douleurs, les plus profondes sont celles qui vivent de silence. Pierre avait une de ces âmes fières qui gardent le secret de leurs émotions. Bien qu’il aimât son père, il ne lui confia pas ce qui avait motivé son retour auprès de lui. Claude Gérand savait tout d’ailleurs. Les femmes d’Uchizy, qui vont au marché à Tournus tous les samedis, lui avaient conté les mésaventures amoureuses de son fils ; aussi avait-il occupé fortement Pierre, afin de le distraire de ses chagrins. Claude Gérand les comprenait d’autant mieux qu’il en avait éprouvé de semblables ; car, trente ans auparavant, 1l avait dû quitter Uchizy, après s’être marié contre le gré de sa famille. Devenu veuf de bonne heure, il n’était pas retourné dans son pays, de peur de réveiller des animosités assoupies ; mais il tenait tellement au sol natal, qu’il avait voulu que Pierre y passât sa jeunesse et s’y choisît une femme. Par une fatalité singulière, son fils s’était heurté à un obstacle plus invincible que celui

  • Voir 2e gérie, t. LIV, p. 512 (livr. du 15 décembre 1866).