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LES ÉTOILES MORTELLES[1]


Un soir d’été dorait les épaisses ramures
Immobiles dans l’air harmonieux et doux ;
Deux beaux enfants, les doigts rougis du sang des mûres,
S’en allaient tout le long des frênes et des houx.

Sous l’arôme attiédi qui tombait des feuillées,
Par les sentiers moussus, furtifs, mystérieux,
Leurs pieds nus agitaient les bruyères mouillées,
Et l’écho se troublait de leurs rires joyeux.

Libres, ravis, la joue en fleur, la bouche ouverte,
Avec des yeux emplis de frais rayonnements,
Par delà les détours de la forêt déserte
Ils cherchaient des pays inconnus et charmants.

Ô rêveurs innocents, fiers de vos premiers songes,
Jeunes esprits, cœurs d’or rendant le même son,
Ignorant que la vie est pleine de mensonges
Vous écoutiez en vous la divine chanson !

En un vol insensible et muet la nuit douce
S’épaississait au loin sous les bois recueillis,
Et faisait se dresser, dans leur gaine de mousse,
Les vieux chênes pensifs au milieu des taillis.

  1. Note Wikisource : Ce poème (publié en 1864) est la première version, très différente, du poème Les Étoiles mortelles, incoporé dans l’édition de 1874 des Poèmes antiques et conservé dans celle de 1891.