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84 ANTHOLOGIE DE LA LITTERATURE JAPONAISE

Des pièces aussi courtes ne pouvant former, pour chaque poète, qu’un assez mince bagage, il était naturel qu’on unit en des recueils les œuvres de plusieurs auteurs. D’autre part, les Japonais considéraient volontiers la poésie comme le produit d’une époque, plutôt que comme celui d’un individu ; en quoi ils n’avaient pas tort, étant donné surtout le caractère d’impersonnalité qui distingue l’âme indigène l . Le gouvernement fit donc rassembler, à certaines époques, les meilleures œuvres de la période précédente, pour en former une anthologie, et ainsi parut pen à peu toute la série de recueils poétiques que la littérature japonaise nous a laissés.

LE MANYÔSHOU

La poésie du siècle de Nara est représentée par le Manyôthou, ou t Recueil d’une myriade de feuilles * ». Cette anthologie ne semble avoir été achevée qu’au début du ix« siècle ; mais les poèmes qu’elle renferme appartiennent sur* tout à la fin du vu* siècle et à la première moitié du vin*. Des 4,496 pièces dont se composent les 20 livres de la collection, 4,173 sont de t brèves poésies » ; 262, de « longs poèmes », d’antant plus précieux pour nous qu’ils deviendront plus rares dans la suite *. Tous ces vers japonais sont écrits en caractères 1. Ce caractère, commun à tout l’Extrême-Orient, a été finement étudié par M. Percival Lowell : The Soûl of the Far East, Boston, 1888.

2. Titre obscur. Ta ou yo veut dire « feuille » (de végétal} ou « âge ■ ; de sorte qu’on peut entendre à volonté : « Recueil de feuilles innombrables », comme celles d’un grand arbre par exemple, ou « Recueil de toutes les époques », de tous les règnes. Le caractère chinois signifie « feuille » , ce qui ne prouve pas grand’chose, étant donné que les scribes employaient souvent des signes quelconques pour rendre le son d’un mot parlé. Je crois cependant que l’interprétation la plus (urobable est bien « Recueil d’une myriade de feuilles », mais dans e sens très particulier de « feuilles de parole » (comp. la première phrase de la Préface du Kokinnshou, ci-dessous, p. 139, n. 3). 3. Je néglige un troisième type de poésies, secondaire : les tédâka, ou poésies à première partie répétée, qui se composent de six vers coupés en deux groupes égaux de 5, 7 et 7 syllabes, et qui, à l’origine, étaient improvisées par deux personnes différentes. Ce genre, représenté par 61 morceaui dans le Manyôshou, disparaît très vite : dans le Kokinnshou, on n’en compte plus que 4. , y