Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/45

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
PÉRIODE ARCHAÏQUE

marins de la mer en furie[1], les saisira, et les avalera avec un bruit de glouglou[2]. Et lorsqu’elle les aura ainsi avalées avec un bruit de glouglou, le dieu appelé « Seigneur du Lieu où souffle l’haleine[3] », qui demeure au Lieu où souffle l’haleine, les saisira et, de son haleine, les chassera entièrement dans le Pays-racine, le Pays du fond[4]. Et lorsqu’il les aura ainsi chassées, la déesse appelée « Princesse du rapide bannissement[5] », qui réside dans le Pays-racine, le Pays du fond, les saisira, et les bannira, et les expulsera tout à fait[6].

Ayant été ainsi expulsées, à partir de ce jour, il n’y aura plus d’offense qui s’appelle offense, chez les gens de toutes fonctions qui servent avec respect à la cour du céleste souverain, et dans les quatre régions sous le ciel[7].

Et, ayant amené et placé ici un cheval, — comme une chose qui écoute, les oreilles dressées vers la Plaine des hauts cieux[8], — au coucher du soleil vespéral du dernier

  1. Les « huit cents rencontres marines » sont le gouffre, situé aux extrêmes confins du monde, où aboutissent les innombrables chemins de la mer et d’où ils se précipitent en tourbillonnant dans la région inférieure.
  2. Les onomatopées sont si fréquentes dans la langue japonaise, on les y emploie pour exprimer tant de choses graves ou tristes, qu’elles n’enlèvent rien à la solennité d’un style relevé comme celui des rituels.
  3. Ifoukido-noushi. Certains font de lui un dieu correcteur des influences qu’envoie la région infernale, et pareillement issu d’Izanaghi au moment de ses ablutions. Le « Lieu où souffle l’haleine » est l’endroit où ce dieu, suivant l’action instinctive de quiconque se trouve suffoqué par une odeur désagréable, exhale violemment son souffle et, par ce moyen, renvoie aux Enfers toute pollution.
  4. Les Enfers, au sens latin du mot (V. le Kojiki, IX et XXIII, ci-dessous, p. 30 et 54).
  5. Haya-saçoura-himé, plus connue sous le nom de Soucéri-himé, une fille de Souça-no-wo devenu roi des Enfers (voir p. 54).
  6. Les quatre « divinités de la Purification » (harahi no kamisama), qui viennent de personnifier avec tant de puissance les diverses phases de l’opération magique, ne sont en somme que quatre rouages de la machine que l’empereur met en branle par la main du Grand-Nakatomi.
  7. Cette phrase ne veut pas dire que les coupables ne pécheront plus, ni que leurs offenses sont d’avance absoutes pour l’avenir, mais que toutes les offenses passées vont disparaître, à l’instant, par l’action magique de la formule prononcée.
  8. La vue de ce cheval doit inciter les dieux à écouter d’une manière attentive, de même que nous verrons plus loin, au mythe de l’éclipse, des coqs qu’on fait chanter ramener le soleil.