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386 ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE Ah ! les herbes de l'été ! Traces du rève Des nombreux guerriers 1 ! Au bord du chemin La guimauve en arbre, par le cheval A été mangée 1 ... Par les nuages de fleurs, La cloche ; est-ce celle d’Ouéno, Ou celle d’Açakouça 3 ? La nuit de printemps : Les cerisiers ! Aux cerisiers L’aurore est venue 4 1 Moineau, mon ami ! Ne mange pas l’abeille Qui se joue sur les fleurs * l Réyeille-toi, réveille-toi !

1. Basbô compose ces vers» devant une plaine (Hire-Isoumi) qui avait été un champ de bataille fameux. Un poète Chinois, Teu Fotl, avait déjà exprimé la même idée ; mais il est intéressant de la re- trouver, sous une forme aussi énergique, dans l’œuvre d’un poète japonais, né samouraï. Ce dédain pour la gloire militaire, bien na- turel chez un fidèle convaincu de la religion d’amour qu’est le boud- dhisme, fut d’ailleurs partagé par les meilleurs philosophes du xvn’ et du xviu* siècles (voir notre étude, La politique étrangère du Japon contemporain, Paris, 1909, p. 3 à 6). 2. Vers passés en proverbe. Un jour que Basbô se promenait avec Boutcbô Oshô, son maître en bouddhisme, ce dernier lui reprocha de se livrer à un art aussi frivole que l’épigramme. « Ainsi, lui dit-il, vous pourrez bien faire des vers sur cette guimauve qui est au bord du chemin : mais vous n’en sauriez tirer une morale utile. » Bashô répondit aussitôt par cette haTk.iT, qui contenait une leçon de modestie ; car, si la fleur ne s’était pas mise en avant dans un endroit trop en vue, elle n’eût pas été aperçue et dévorée par le cheval. 3. Les masses de cerisiers en ileur sur les bords de la Soumida (p. 172, n. 4) forment un épais nuage rose, si dense qu’on ne peut plus distinguer si les vibrations de la cloche entendue viennent des temples d’Ouéno ou de ceux d’Açakouca. 4. Tandis que le poète, en cette nuit brève, pense aut chers ceri- siers, se demandant sans doute où en sont leurs fleurs et si le vent ▼a disperser leurs pétales, voici le jour, déjà ! Cette haïkaï évoque ainsi, en même temps, deux idées : la beauté fragile des cerisiers et la durée fugitive d’une nuit de printemps. 5. Poétique expression du commandement bouddhique qui veut que toute vie soit respectée. (Comp. ci-dessus, p 189, n, 2.) , y Google