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INTRODUCTION

premier coup une perfection souveraine, ne l’a plus retrouvée depuis ; et si l’on veut chercher une page contemporaine qui rappelle encore le vrai génie d’autrefois, c’est bien plutôt dans quelque brève poésie, composée par un fidèle de l’ancienne langue, qu’on pourra découvrir ce dernier vestige d’une littérature finie depuis bientôt mille ans.

Quel sera l’avenir de l’art littéraire au Japon ? La langue actuelle, alourdie par d’innombrables mots chinois, ne fait guère présager l’apparition future d’un beau style, à moins que les Japonais ne se décident, suivant le conseil de quelques-uns de leurs meilleurs savants, à rejeter leur absurde écriture pour adopter le système phonétique qui favoriserait un retour à la pure langue nationale. Mais ce qui est certain, d’une manière plus générale, c’est que leur fécondité littéraire dépendra surtout du point de savoir s’ils pourront désormais jouir d’une longue paix. Rien de plus évident, pour qui considère les choses en les jugeant d’après le passé. Si l’on trace, en effet, à travers les sept périodes qui viennent d’être esquissées, une sorte de courbe des valeurs, on peut observer que cette ligne, qui, des temps archaïques, s’élance presque verticalement à la poésie superbe de Nara, puis, plus haut encore, à la prose de « l’âge de la Paix », où elle se maintient au point culminant durant plus de deux siècles, tombe aussitôt après, par une série de chutes qu’interrompent à peine de légers relèvements, d’abord avec le succès de la caste militaire à Kamakoura, puis avec les discordes intestines de Nammbokoutchô, baisse encore, après un essor trop court à l’époque de Mouromatchi, pour atteindre son point le plus bas sous Hidéyoshi, qui fut un grand général, mais qui savait à peine écrire et qui ne pouvait même pas trouver autour de lui des gens capables de négo-