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ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

d’adopter sans retard les institutions de l’Occident pour se protéger contre l’Occident lui-même, et, puisqu’il le fallait, de s’armer à l’européenne, d’acquérir tous les secrets, toutes les ressources qui faisaient la force de l’étranger ; enfin, c’est le mouvement spontané, l’élan de la nation qui, après quelques années de défiance et d’attente, s’intéresse comme ses chefs à la civilisation occidentale, la juge bienfaisante à certains égards, au moins dans le domaine matériel, et finit par prendre goût à ses idées elles-mêmes : le vieux Japon s’empare de ces choses européennes comme le Japon primitif s’était saisi des richesses chinoises, avec la même aisance et la même souplesse, et, pour la seconde fois, une culture étrangère s’incorpore à la civilisation nationale, qu’elle vient compléter sans l’abolir. Rien de plus curieux, assurément, que la littérature issue de cette évolution générale ; car cette fois, c’est notre propre génie que nous voyons en contact avec l’esprit de la race ; et dans les milliers d’essais philosophiques ou moraux, de romans, d’œuvres de critique ou de fantaisie qui chaque année sortent des presses, dans les polémiques habituelles des grandes revues et des journaux, dans les traductions mêmes qui, souvent, sont d’ingénieuses adaptations d’une conception anglaise, française ou allemande au goût indigène, nous pouvons suivre à loisir l’ardente mêlée de toutes les idées shintoïstes, bouddhistes, confucianistes, chrétiennes, positivistes et autres qui, dans la morale comme dans la pensée pure, se disputent l’âme du pays. Mais ce renouvellement à l’européenne, comme la transformation à la chinoise qui avait marqué le temps des Tokougawa, n’est presque plus de la littérature japonaise ; la beauté de la forme, qui, à l’époque classique, avait atteint du