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PÉRIODES NAMMBOKOUTCHÔ ET MOUROMATCHI

ôté, et la moitié des livres sacrés avaient été sortis. Dans ce dernier coffre, il mit son auguste corps et il se coucha au fond ; et, plaçant sur lui beaucoup de livres sacrés, il resta là, récitant en son cœur une formule magique[1]pour que son corps disparût. Il avait dégainé son sabre, pareil à de la glace, et le tenait appliqué contre son auguste ventre, prêt à l’y plonger s’il était découvert. Il entendit les paroles d’un soldat : « Le prince est ici ! » Et ce qui se passa dans son auguste cœur, il n’est pas difficile de se l’imaginer.

Les soldats envahirent le temple et cherchèrent sous l’autel, sur le plancher, partout, sans négliger un seul endroit ; mais en vain, « Ces choses-là sont suspectes : ouvrons ces coffres de Daîhannya et voyons. » Ce disant, ils ouvrirent les deux coffres fermés, enlevèrent les livres sacrés, cherchèrent en retournant les coffres ; mais il n’y était pas. Donc, laissant de côté le coffre qui était déjà ouvert, les soldats quittèrent tous le temple.

Le prince, dont la vie était ainsi sauvée par miracle, se croyait en rêve et demeurait immobile dans son coffre. « Mais si les soldats revenaient et s’ils cherchaient avec plus de soin ? » Dans cette auguste pensée, il se transporta en un des coffres que les soldats avaient fouillés. Suivant son auguste attente, les soldats reparurent de nouveau. « Il faut nous méfier du coffre que nous n’avons pas encore examiné ! » Ce disant, ils cherchèrent, en sortant tous les livres sacrés, puis ils se mirent à rire : « Quand nous avons bien cherché dans le coffre de Daîhannya, le prince Ohtô n’y était pas, mais il y avait Ghennzo Sannzô, de la grande Tô[2] » A cette plaisan-

  1. Majinaï. Ce mot, qui veut dire « mélange », s’explique sans doute par l’idée que l’action magique mêle le subjectif à l'objectif, en donnant à la pensée une influence directe et physique sur les phénomènes extérieurs.
  2. Calembour sur Oh-tô, « Grande tour », nom du prince, et Oh-Tô, « Grande (dynastie des) Tô ». En effet, Ghennzo Sannzô était un fameux bonze chinois au VIIe siècle (époque où commença de régner la dynastie des Thang, dont le nom se prononce en sino-japonais) ; il passa dix-sept ans dans l’Inde pour recueillir des écritures sacrées qu’il traduisit du sanscrit en chinois ; et par conséquent, les soldats s’amusent à la pensée que, cherchant le prince, ils n’ont trouvé que l’œuvre de Sannzô.