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INTRODUCTION

Minatomo Yoritomo établit à l’autre extrémité de l’empire le siège de son pouvoir militaire ; bientôt il devient shôgoun : et l’époque de Héian s’achève dans les ténèbres où s’ouvre celle de Kamakoura.

IV. — Si le siècle de Louis XIV avait été suivi brusquement d’un retour à la barbarie, on aurait quelque idée du sombre moyen-âge qui succéda à la brillante culture de Kyôto. Sous Yoritomo et ses premiers successeurs, puis sous les régents Hôjô, qui, dès le début du xiiie siècle, prennent la place des shôgouns comme ces derniers, après les Foujiwara eux-mêmes, avaient usurpé celle des empereurs, la classe militaire exerce tout le pouvoir effectif. Or, il est clair qu’un groupe qui ne songe qu’à la guerre ou aux moyens de la préparer ne saurait guère avoir d’ambitions intellectuelles. De plus, cet esprit guerrier engendra des pirateries sur les côtes de Chine et de Corée ; d’où une interruption fréquente des rapports avec ces derniers pays, et par suite, l’abandon de ces études chinoises qui avaient tant fait jusqu’alors pour le progrès de la pensée nationale. Cependant, l’esprit littéraire ne disparut pas tout à fait, grâce aux moines bouddhistes, qui furent à peu près les seuls gardiens de la science durant ces temps troublés. La période de Kamakoura mériterait à peine d’être mentionnée dans l’histoire littéraire si, à côté de ses éternels récits de batailles, elles ne nous avait laissé un petit chef-d’œuvre : le livre d’impressions d’un ermite dégoûté de ce triste monde féodal. Lorsque Kamakoura, en 1333, fut réduite en cendres par un défenseur des droits impériaux, cette orgueilleuse capitale qui, dit-on, avait compté un million d’âmes, devint un simple village de pêcheurs ; et si vous y allez faire aujourd’hui une petite méditation historique, vous pourrez remarquer que, de son ancienne splendeur, il ne