Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/261

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
PÉRIODE DE KAMAKOURA

s’il en est bien ainsi, rares sont les maisons anciennes. Telles, détruites l’an dernier, ont été rebâties cette année ; d’autres, qui furent de grandes maisons, sont tombées en ruines et ont été remplacées par de petites. Il en est de même pour leurs habitants. Dans un endroit quelconque, il y a toujours beaucoup de monde ; mais sur vingt ou trente personnes que vous y aviez connues, deux ou trois survivent. On naît le matin, on meurt le soir. Telle est la vie : une écume sur l’eau.

Ces hommes qui naissent ou qui meurent, qui sait d’où ils viennent et où ils vont ? En cette demeure passagère, savent-ils pour qui ils peinent, ou avec quoi ils charment leurs yeux ? Du maître ou de l’habitation, on ne peut dire quel est le plus changeant. Tous deux sont comme la rosée sur le visage-du-matin[1]. Tantôt la rosée tombe et la fleur reste : mais la fleur se flétrit au soleil matinal. Tantôt la fleur se fane et la rosée demeure : mais la rosée disparaît avant le soir.

[2]

Pendant les quarante printemps et automnes qui ont passé depuis que j’ai compris le cœur des choses[3], j’ai vu maints événements étranges.

Le 28e jour du 4e mois de la 3e année de l’ère Anghenn[4], tandis qu’un vent violent troublait la nuit, vers l’heure du Chien[5], un incendie éclata du côté Serpent-Dragon[6] de la capitale et, s’étendant du côté Chien-Sanglier, gagna la Porte de l’Oiseau écarlate, la grande Salle d’audience, les bâtiments de l’Université et le ministère de l’Intérieur[7] ;

  1. Açagao. Voir p. 220, et comp. p. 338.
  2. Le texte du Hôjôki forme un bloc compact qui pourrait sembler confus si l’on ne mettait en relief, par quelques subdivisions, les parties distinctes qui le composent ; c’est ce que je fais, pour plus de clarté, sans cependant y introduire un numérotage de chapitres proprement dits.
  3. Le fond des choses humaines.
  4. 1177.
  5. De 7 à 9 h. du soir.
  6. Sud-est. — Chien-Sanglier, le nord-ouest.
  7. Shoujakou-mon, porte située au milieu du côté sud du palais (voir p. 32, n. 2). — Taïkyokoudenn, un de ses principaux