Page:Revon - Anthologie de la littérature japonaise, 1923.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
ANTHOLOGIE DE LA LITTÉRATURE JAPONAISE

recueilleront pour les âges futurs les meilleures productions de chaque époque littéraire. En même temps, et par-dessus tout, on voit s’inaugurer tous les genres brillants où triomphe la prose japonaise : journaux privés, livres d’impressions, romans. Ce mouvement est favorisé, d’abord, par un rapide progrès de la langue nationale, désormais parvenue à son plein développement ; puis, par l’invention de deux systèmes d’écriture, le katakana et le hiragana, qui, remplaçant l’absurde fatras de l’écriture antérieure, moitié idéographique et moitié phonétique, par deux syllabaires de quarante-sept signes abrégés ou cursifs, simplifient prodigieusement, pendant la période trop courte et dans le domaine trop restreint où ils tiennent lieu de caractères chinois, le travail des écrivains et l’effort des lecteurs eux-mêmes. Mais la principale cause de ce magnifique essor se trouve dans le milieu où il prit naissance. Aux alentours de l’an 1000, la cour d’Itchijô est le royaume des femmes d’esprit ; la liberté d’allures que leur reconnaissait la vieille civilisation du pays s’accroît d’un rôle social d’autant plus important qu’elles le méritent par une finesse appuyée sur de solides connaissances ; les érudits, péniblement occupés à de lourdes compositions chinoises, leur abandonnent le domaine proprement littéraire, où elles excellent tout de suite, et ce sont des femmes qui écrivent les plus grands chefs-d’œuvre nationaux. Par malheur, depuis le milieu du xie siècle, l’empire est déchiré par des luttes guerrières que n’a su prévenir un gouvernement civil trop faible ; les clans des Taïra et des Minamoto se dressent contre les Foujiwara, puis, à leur tour, combattent pour la suprématie ; la féodalité s’organise et se partage le pays. Aussitôt, décadence de la littérature, qui ne produit plus que des récits historiques médiocres. En 1186,