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courant du pinceau », ne suivent aucun ordre quelconque. Ce sont des livres d’impressions qui ne relèvent que de la fantaisie personnelle, des mélanges qui tiennent à la fois de nos a Essais », de nos « Pensées », de nos « Caractères », de mot « Mémoires ». et où triomphe, comme on pouvait s’y attendre, l’art délicat des Japonais. On en va juger tout de suite par le Makoura no Sôshi de Soi Shônagon.


SEI SHÔNAGON

Sei Shônagon mérite une étude particulière, d’abord parce qu’elle fut un type de femme très intéressant, ensuite parce que le genre qu’elle inaugura atteignit du premier coup, avec son livre d’esquisses, une excellence que ne devait égaler aucun des impressionnistes postérieurs.

La date de sa naissance peut se placer vers l’an 968[1]. On suppose, sans preuves décisives, que son nom véritable était Takoushi ou Akikb. Son surnom s’explique, comme celui de Mouragaki Shikibou, par la combinaison d’un nom de famille avec un titre décoratif, Shônagon désignant un troisième sous-secrétaire d’État, et Sei étant la prononciation chinoise du caractère qui forme le premier élément du mot Kiyowara (« Champ pur »), nom de la famille à laquelle elle appartenait. En effet, son père n’était autre que le poète Kiyowara no Motoçouké, un des rédacteurs du Gocennshou[2], qui descendait lui-même du prince Tonéri, le compilateur du Nihonnghi. D’après une autre version, elle Serait née d’un certain Akitada, gouverneur de Shimôça, et Motoçouké l’aurait seulement adoptée, en lui donnant par suite le nom de famille qui apparaît dans son surnom. Peu importe d’ailleurs : à défaut d’une hérédité certaine, nous savons tout au moins qu’elle grandit dans une famille dont se » propres écrits allaient refléter bientôt la culture historique et le talent littéraire ; car, si elle fut moins docte que Mouraçaki Shikibou, si elle eut en revanche plus de verve spontanée, elle devait ressembler à son émule par le même heureux mélange de l’érudition et du goût. La situation de son père, adoptif ou non, lui permit de devenir dame d’honneur de Sadako, l’épouse préférée de l’empereur Itchijô. Entrée à la cour, vers 990) comme une jeune fille modeste et timide[3], Sei Shônagon s’y fit

  1. En effet, elle devait avoir sept ou huit ans de plus que son impératrice, Sadako, qui mourut à 24 ans en l’an 1000.
  2. Voir plus haut, p. 111. n. 3, et p. 117, n. 3. — L’arrière-grand-père, Kiyowara no Foukayabou, fut aussi un bon poète (v. p. 106).
  3. D’après ce qu’elle-même nous raconte (Makours no Sóshi livre IX, chap. XCVI).