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et qu’ils gardent toujours sous leur surveillance. Tant qu’elles restent derrière le store qui borne leur existence, elles peuvent faire impression sur le cœur des hommes qui ne les connaissent guère que par ouï-dire. Elles seront souvent jeunes, aimables, modestes ; et souvent aussi elles seront devenues habiles aux arts d’agrément. Mais leurs amis dissimuleront leurs défauts, tandis qu’ils mettront leurs qualités en lumière. Comment les juger sans aucun indice, se dire que ces louanges ne sont pas la vérité ? Or, si nous y croyons, nous ne manquerons pas d’avoir ensuite une désillusion. » Cela dit, le Tô no Tchoujo s’arrêtą, comme honteux d’avoir parlé trop vite. Ghennji sourit, pensant à quelque observation personnelle analogue. « Mais, dit-il, elles ont bien chacune leurs bons côtés ? — Sans doute, reprit le Tô no Tchoujo ; car autrement, qui se laisserait séduire ? Il y a aussi peu de femmes assez disgraciées pour ne mériter aucune attention que de femmes assez supérieures pour entraîner une admiration sans réserves. Celles qui sont nées dans une grande famille sont entourées d’amis qui cachent leurs points faibles, de sorte qu’elles peuvent sembler parfaites en apparence. C’est chez celles de la classe moyenne, plus libres de montrer leur originalité, que nous pouvons le mieux la distinguer. Quant à celles de la basse classe, inutile de s’en préoccuper. »

Ghennji, qu’amuse l’expérience précoce de l’orateur, est en train de lui demander dans quelle catégorie de sa classification il rangera les femmes qui tombent d’un rang élevé ou les parvenues qui y arrivent, lorsque surviennent deux autres joyeux amis, un chef de bureau des Ecuries impériales et un secrétaire du Protocole, qui se mêlent à la discussion ; et cette conversation psychologique, illustrée de souvenirs personnels, se poursuit pendant des heures entre les quatre jeunes gens, qui, constatant enfin que, pour avoir la femme idéale, il faudrait épouser une déesse[1], concluent par un éclat de rire général. (Chap. II, Hahaki-ghi.)

    chinaga (v. p. 225), et qu’elle repoussa d’ailleurs ; combien de femmes. écrivant leurs Mémoires, auraient passé sous silence une recherche aussi flatteuse ?

  1. Kitchijō, une belle déesse hindoue qui sortit de l’écume des mers et dont le nom, au Japon tout au moins, éveille surtout l’idée de bonheur.