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Le nom de Mouraçaki Shikibou, sous lequel on connaît cette femme célèbre, est le surnom élégant qu’elle reçut à la cour[1]. Si le mot Shikibou, qui exprime l’idée de « cérémonies[2] » fut appliqué à la jeune femme, c’est sans doute en raison de fonctions que son père aurait remplies à cet égard. Comme d’autres dames d’honneur se trouvaient sûrement dans des conditions analogues, on précisa davantage en ajoutant le mot Mouraçaki, qui veut dire « violet[3] ». Mais pourquoi ce dernier nom ? D’après les uns, parce que telle est la couleur de la glycine, fouji, premier élément du nom de la grande famille de Foujiwara, « champ de glycines », à laquelle elle appartenait ; et de fait, on l’appelle aussi Tô Shikibou, tổ étant la prononciation chinoise du caractère qui se lit fouji en japonais. D’autres pensent que ce nom lui fut plutôt donné par une comparaison flatteuse avec une exquise figure, Mouraçaki no Oué[4], qui, dans son roman, personnifie la modestie, la douceur et toutes les vertus féminines. Je ne serais pas éloigné de croire que les deux explications sont vraies en même temps, les Japonais ayant toujours aimé à trouver dans un seul mot des symboles multiples. En somme, on pourrait traduire ce nom de Mouraçaki Shikibou par : « la Violette du Protocole ».

C’est à une branche cadette des Foujiwara que se rattachait sa lignée, du côté paternel comme du côté maternel. Son père Tamétoki, érudit de quelque réputation, était petit-fils du poète Kanéçouké, qui lui-même avait pour arrière-grand-père un auteur connu, Fouyoutsougou[5] ; et si l’hérédité n’est pas un vain mot, peut-être est-il permis de penser que cette ascendance ne fut étrangère ni aux instincts d’érudition, ni aux dons de poésie qui devaient s’unir chez Mouraçaki. Cette fille de savants et de lettrés, douée par surcroît d’une étonnante mémoire, reçut l’éducation solide qui était d’usage dans son milieu. Toute jeune

  1. Les noms de femmes illustres de la littérature japonaise ne sont pas des noms de famille ou des prénoms, mais des pseudonymes comme les nôtres (gô), ou des surnoms de fantaisie (yobi-na) qu’elles reçurent de leur entourage, parfois même de l’empereur, et qui très souvent se rapportaient, soit au titre ou à la fonction de leur père, soit à ceux de leur mari, un peu comme chez nous, en ce dernier cas, a la Ministresse » ou « la Presidente ». Je me contente de faire ici une observation d’ensemble sur ce point, dont nous avons déjà rencontré et dont nous verrons encore maints exemples.
  2. Shikibou-shồ, ministère des cérémonies ; shikibou-kyó, ministre des cérémonies, etc.
  3. Couleur tirée de la racine d’une espèce de lithosperme.
  4. Oué, mot qui implique l’idée de « supériorité », était employé comme titre honorifique ; on pourrait le traduire, à peu près, par « Madame ».
  5. Principal rédacteur du Bounkwa-shourei-shou, « Recueil des plus exquises fleurs de la littérature » (818).