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AU PAYS DES KANGAROUS

est bon à manger, et qu’un indigène me semblerait indigeste. Dieu nous préserve de tomber dans les mains de ces païens-là quoi que vous en disiez. Quant à moi, je me défendrais jusqu’à la mort contre les noirs et contre Black Peter, qui est peut-être avec eux.

— Qu’est-ce que ceci ? demanda le fils Mayburn. J’ai entendu du bruit.

— Cela n’a rien d’étonnant. Des kakatoès se sont envolés en poussant des cris de terreur c’est qu’ils ont été réveillés par des gens qui marchaient sous les arbres où ils étaient au repos.

— Ils ont l’ouïe plus fine que la nôtre. Dans ce cas que faut-il faire ?

— Prévenez tout le monde, et surtout engagez-les à ne pas donner le moindre signe de terreur. Nous n’aurons pas de difficulté à nous débarrasser de ces maudits sauvages. »

Arthur s’empressa de réveiller son père et Marguerite, en leur recommandant de se tenir tranquilles ; quant aux autres jeunes gens, ils n’eurent pas plus tôt entendu parler de la possibilité d’une attaque, qu’ils furent debout et prêts à se défendre.

Tout à coup, à un signal convenu, ils se mirent à pousser des cris qui eussent réveillé des morts, et dont l’écho répercuta les sons. Un grand remue-ménage s’opéra aussitôt devant l’endroit où les voyageurs s’étaient établis pour la nuit, et à la clarté de la lune ils purent apercevoir une douzaine environ de corps noirs comme l’ébène qui se dressaient du milieu des buissons et se mettaient à fuir à travers la plaine.

« Nous sommes sauvés ! s’écria Hugues, pour cette fois du moins. M’est avis cependant que nous ne devons plus coucher ainsi au milieu des bois, car nous pourrions être surpris une fois ou l’autre. J’ai entrevu un certain nombre de grottes, pendant l’excursion que nous avons faite hier. Nous agirons donc sagement en nous établissant dans une de ces cavernes ; de cette façon, nous n’aurons plus qu’à en garder l’entrée.

— Ce que tu dis là, cher ami, est fort logique, répliqua Gérald. Mais comment ces gens-là, qui étaient armés de zagaies, n’ont-ils pas essayé de nous atteindre en nous en lançant quelques-unes ?

— Ils sont trop rusés pour agir de la sorte, objecta Wilkins. S’ils avaient pu nous surprendre pendant notre sommeil, c’eût été leur affaire, et nous eussions été massacrés sans pitié. À cette heure, ils continuent à nous épier : nous n’avons qu’à nous tenir sur nos gardes ; ils finiront par se lasser.

— Je voudrais pouvoir mettre une grande rivière entre eux et nous, ajouta Jack. J’ai trouvé hier de nombreuses plantes fibreuses, et si vous voulez m’aider tous, nous les couperons et les traînerons avec nous. Quand nous aurons trouvé la rivière, nous la traverserons sur un radeau que nous fabriquerons. »